Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

César de dire qu’il venait venger Marius pour se trouver tout de suite à la tête d’un parti. Catilina ne semble pas s’être mis derrière personne. Qui donc en effet aurait-il choisi pour patron ? Il ne pouvait songer à Marius dont il avait si cruellement traité les derniers amis ; quant à Sylla, son ancien maître, quoique évidemment il procède de lui et s’inspire de son souvenir, il ne pouvait pas s’autoriser de son nom, au moment même où il venait combattre cette faction aristocratique qui prétendait sauver ce qui restait de son œuvre et continuer sa politique.

Que voulait-il donc faire ? Pour en être parfaitement informé, il aurait fallu se glisser, avec ceux de ses partisans dont il était le plus sûr, dans cette partie retirée de sa maison où il les réunissait, assister à cette assemblée de famille, concio domestica, comme l’appelle Cicéron, l’entendre exposer ses plans avec cette fermeté et cette franchise auxquelles ses adversaires mêmes rendent hommage. Par malheur, nous sommes réduits à recueillir et à reproduire, en essayant de l’interpréter, ce que les écrivains de ce temps en ont pu savoir et ce qu’ils veulent bien nous en dire.

Dans deux passages très importans de son petit livre, Salluste nous renseigne sur les projets de Catilina. L’un est la lettre de Manlius, le chef des conjurés d’Étrurie, à Q. Marcius Rex, ancien consul. Le ton en est respectueux et modéré : c’est un centurion qui s’adresse à un général. Il n’y faut chercher que la plainte un peu affaiblie de petites gens que la misère a poussés à la révolte et qui s’en excusent. Ils prennent les dieux et les hommes à témoin de leurs bonnes intentions ; leur requête est modeste ; il ne s’agit plus, comme du temps où les plébéiens se retiraient sur le Mont Sacré, de demander une part dans le gouvernement de la cité ; il leur suffit qu’on ne les mette plus en prison, quand ils ne peuvent pas payer leurs dettes. La loi le défend, mais ni les usuriers, ni le préteur, ne respectent la loi. Ce sont, au moins en apparence, des révoltés timides et qui paraissent décidés autant que possible à ne pas sortir de la légalité.

Catilina par le d’une autre façon dans le discours que Salluste lui fait tenir aux conjurés de Rome, à l’époque de sa candidature consulaire. Il n’a autour de lui que des amis sûrs ; il peut leur dire ce qu’il pense et leur annoncer ce qu’il veut faire. Pourquoi la lecture de ce discours, dont la réputation a été si