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600 000 familles, 4 200 000 personnes. Oui, il faut abolir la loterie militaire ; oui, il faut supprimer le recrutement militaire obligatoire : mais pas pour adopter le régime prussien, incompatible avec le suffrage universel. Il n’y a plus qu’un seul régime que la France puisse et doive adopter : c’est le régime américain : c’est, en cas de guerre, l’enrôlement à tout prix, et, si l’enrôlement ne suffit pas, l’appel en masse, la nation armée. La France n’a plus qu’un seul parti à prendre : c’est de renoncer systématiquement à la guerre et de devenir exclusivement la grande nation de la paix. »

L’Empereur, qui avait beaucoup étudié ces questions, pendant son exil et sa prison, partageait entièrement les idées de Forcade et de Nefftzer. Combien il est fâcheux qu’il n’ait pas eu, à ce premier moment, un projet tout prêt, et n’ait pas profité, pour accomplir la réforme nécessaire, des dispositions, toutes semblables aux siennes, de l’opinion ! Dès Sadowa, il est vrai, il avait écrit au ministre de la Guerre : « Il m’est venu une idée qui aurait beaucoup d’avantages et qu’il faut étudier dans tous ses détails avant de savoir si l’application en est possible. Ce système consisterait à déclarer que tout Français, sans exception, sauf celles admises par la loi, est obligé au service militaire pendant sept ans, que, cependant, tout homme qui aura servi trois ans sous les drapeaux pourra se faire exonérer. De cette manière, 160 000 hommes seraient tous les ans appelés sous les drapeaux, et ils tireraient au sort uniquement pour savoir quels seraient ceux qui feraient partie de l’armée active et quels seraient ceux qui feraient partie de la réserve. » (2 octobre 1866.) C’était le principe du service obligatoire.

Le maréchal Randon objecta que ce service donnerait des effectifs trop nombreux pour nos finances et que trois années de présence sous le drapeau ne fourniraient pas assez de vieux soldats. L’Empereur prépara alors un autre projet : le service sous les drapeaux serait réduit de sept à six ans et le service dans la réserve élevé à huit ans ; sous le nom de garde mobile une seconde réserve serait instituée. A Biarritz, il communiqua ce projet à Niel. De retour à Toulouse où il commandait, le maréchal lui avait envoyé une note approbative : « (20 octobre 1866.) Ce projet, qui n’a rien de puisé chez l’étranger, peut se réaliser avec les ressources que présente la loi du 21 mars 1832 ; il me paraît impossible de trouver une idée qui soit plus, facilement acceptée