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Ainsi l’Empereur avait voulu opérer la réorganisation militaire par une refonte fondamentale de notre système et, en y introduisant l’universalité du service, il avait voulu surtout accroître nos effectifs, de façon à les mettre à la hauteur de ceux de la Prusse. Il avait été arrêté par une résistance invincible. Et cette résistance ne fut pas seulement celle impuissante de l’opposition de toute nuance, mais surtout celle déterminante des ministres, des députés officiels endoctrinés par un général en crédit, Trochu. Aucun fait ne montre mieux l’agonie de son pouvoir personnel. Il constata sa défaite à l’ouverture de la session législative par quelques paroles sèches où perçait un dépit mal contenu : « Le projet de loi présenté au Corps législatif répartissait entre tous les citoyens les charges du recrutement. Ce système a paru trop absolu ; des transactions sont venues en atténuer la portée. Dès lors j’ai cru devoir soumettre cette haute question à de nouvelles études. Mon gouvernement vous proposera des dispositions nouvelles, qui ne sont que de simples modifications à la loi de 1832, mais qui atteignent le but que j’ai toujours poursuivi : réduire le service pendant la paix, l’augmenter pendant la guerre. »

Ces dispositions n’étaient autres que celles proposées par la Commission.


XI

La discussion à la Chambre fut longue et brillante. La loi fut soutenue sans restriction, d’abord par un ancien officier, La Tour, catholique très convaincu, ordinairement plus considéré qu’écouté, qui, cette fois, fixa l’attention de l’assemblée par le tableau saisissant qu’il fit de la puissance de la Prusse : « Plusieurs journaux, quoique imprimés en France, se méprennent quelquefois sur les intérêts de la France, nous menacent journellement de la rancune du corps électoral si nous votons la loi. On fait injure au patriotisme de la nation. Mais quand bien même cela serait vrai, quand bien même nous devrions nous attendre à ces rancunes, ce qui n’est pas exact, je dirais encore : Votons la loi et assurons la force et la sécurité de la France. » (Vive approbation sur un grand nombre de bancs.)

Puis vint Larrabure : « Je croirais être aveugle, dit-il, en refusant au gouvernement les moyens nécessaires pour faire