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les rapports de Stoffel n’en disaient mot ; et les discours de Niel et de Thiers les montraient suffisamment. Pouvait-on, d’ailleurs, communiquer des rapports dans lesquels on trouvait par exemple ceci : « Que voit-on en France ? Une Chambre qui se vante de représenter le pays, et qui en est bien l’image, en effet, comme inconséquence, légèreté, une majorité presque entièrement formée d’hommes sans caractère, sans élévation, et sans aucune des connaissances qui font le législateur ; une opposition où dominent des avocats ambitieux et vains, qui font consister le patriotisme en des récriminations haineuses ou des rancunes calculées, et qui cachent leur incapacité et leur impuissance sous les fleurs du langage, hommes qu’on ne pourrait qu’exécrer s’ils avaient conscience de leur criminelle conduite, car en cherchant à affaiblir la France, ils la trahissent au profit de son plus cruel ennemi. » Thiers n’est pas mieux traité : « C’est lui, champion des sentimens égoïstes et mesquins de la bourgeoisie, qui a fait échouer en 1849 l’institution féconde et moralisatrice du service obligatoire. Cet homme à qui la nature a refusé le sentiment de la vraie grandeur, les fortes convictions, la puissance des méditations graves, cet homme, dis-je, a été plus fatal à son pays que vingt désastres. » Et voilà ce que les républicains ont plusieurs fois reproché à l’Empereur de n’avoir pas divulgué.

Jules Favre, plus sincère que ses collègues, n’a pas essayé de se couvrir de ces mauvaises raisons. On m’a raconté que dans une des soirées lugubres où les membres de la Défense nationale revenaient sur le passé, il lui échappa, à propos de leur opposition à la loi militaire, ces mots : « Mous n’avons été que des jobards. » Je n’y contredirai pas. Et cependant s’ils n’avaient pas été ces jobards, ils seraient tombés dans l’impopularité, ils n’eussent pas été réélus députés de Paris et ils ne seraient pas devenus les maîtres de la France. Et nunc erudimini.


EMILE OLLIVIER.