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doute n’était plus possible ; il ne restait à Catilina qu’à rejoindre ses soldats au plus vite.

Avant de partir, il réunit une dernière fois ses partisans, non pas chez lui, où la réunion pouvait être surprise et dispersée, mais chez Porcius Læca, un de ses amis, qui demeurait dans la rue des Taillandiers, située probablement dans quelque faubourg solitaire. C’était pendant la nuit du 6 novembre. Après avoir arrêté les dernières dispositions et distribué les rôles à chacun pour la grande prise d’armes ; il ajouta qu’il ne partirait content que si on le débarrassait d’abord de Cicéron, « qui était un grand obstacle à tous ses desseins. » La proposition fut assez froidement accueillie ; on savait que Cicéron était sur ses gardes. Mais enfin, après quelque hésitation, deux des conjurés, C. Cornélius, un chevalier romain et le sénateur Vargunteius s’offrirent à tenter l’entreprise. Ils promirent d’aller cette nuit même, au petit jour, avec des hommes armés, comme pour 6aluer le consul, et de le frapper dans son atrium, tandis que, selon l’habitude, il recevrait ses cliens. Le danger était pressant, mais Curius, l’espion de Cicéron, l’avait fait prévenir, et il avait pris ses précautions, Quand les assassins se présentèrent, malgré leur insistance pour entrer, on leur ferma la porte[1], et ils s’en retournèrent chez eux.

En même temps qu’il échappait à ce péril, le consul était informé des résolutions qu’avaient arrêtées les conjurés pendant la nuit. Il fallait, avant tout, prendre des mesures pour les déjouer et convoquer immédiatement le Sénat. C’est ce qu’on fit sans retard. Le Sénat se réunit donc dans l’après-midi du 7 novembre, et, Cicéron y prononça la première Catilinaire.


IV

La première Catilinaire est la plus célèbre de toutes. C’est la seule que Salluste ait mentionnée ; c’est celle que, du temps de

  1. Exclusi sunt, dit simplement Cicéron, et Salluste : janua prohibiti. Ces expressions étranges me font souvenir d’un mot piquant de Sieyès. Pendant le Directoire, époque de désorganisation sociale qui rappelle les derniers temps de la république romaine, un certain Poulie avait pénétré dans la maison de Sieyès et lui avait tiré sans résultat un coup de pistolet. Quand l’affaire vint en jugement, comme Sieyès voyait que le tribunal ne paraissait pas disposé à condamner son assassin, il rentra tranquillement chez lui et dit à son concierge : « Si Poulie revient, vous lui direz que je n’y suis pas. » — Cicéron attribue la tentative d’assassinat à deux chevaliers, mais comme Salluste cite les noms, il est probable qu’il a été mieux renseigné.