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dans la famille royale on pensât à le marier. Mais à qui ? Quelques années auparavant les partis n’auraient pas fait défaut en Europe. Il n’aurait pas manqué de princesses qui eussent été fières d’épouser un fils de France. Il n’en allait, plus de même après tant de revers, et d’ailleurs, Louis XIV étant en guerre à la fois avec l’Empire et la Savoie, il n’y avait pas de princesse catholique sur laquelle les yeux pussent se porter. Il ne pouvait donc être question que d’une princesse française. Or on n’en comptait que deux qui fussent en âge de se marier. L’une était M, u de Bourbon, la fille de cette Duchesse de Bourbon dont nous avons si souvent parlé ; l’autre était la fille du Duc et de la Duchesse d’Orléans, qu’on avait coutume d’appeler Mademoiselle.

Le mariage du Duc de Berry avec Mlle de Bourbon eût été un véritable échec pour le Duc et la Duchesse de Bourgogne. La Duchesse de Bourbon, que nous avons vue si grossièrement hostile au Duc de Bourgogne pendant la campagne de Flandre, était demeurée l’âme de cette cabale de Meudon où se réunissaient tous les ennemis du jeune prince, et, si la ferme attitude de la Princesse avait fait baisser le ton à la cabale à laquelle la disgrâce de Vendôme avait servi de leçon, cependant son hostilité se déguisait à peine, et continuait de diviser la Cour en deux factions, celle de Monseigneur et de la Duchesse de Bourbon d’une part, celle du Duc et de la Duchesse de Bourgogne d’autre part. Le mariage du Duc de Berry avec Mlle de Bourbon aurait fait passer le jeune prince d’une faction dans l’autre, et aurait assuré le crédit de Madame la Duchesse sur Monseigneur « des volontés duquel, dit Saint-Simon, elle disposoit absolument, et qui, reliée à lui par le mariage de leurs enfans, usurperoit une puissance sous laquelle tout plieroit sous son règne et dès celui-ci même. Madame la Duchesse de Bourgogne, continue Saint-Simon, tomberoit pas à pas dans un éloignement de Monseigneur qui, approfondi par la dévotion mal entendue de M. le Duc de Bourgogne et par le dégoût que Monseigneur avoit pris de lui depuis les choses de Flandres, soigneusement entretenu depuis, les plongeroit tous les deux dans l’abîme dont il a été parlé, avoit si hardiment commencé à leur creuser[1]. » Au contraire, le Duc et la Duchesse de Bourgogne ayant toujours vécu dans la plus

  1. Saint-Simon. Édition de 1856, t. VIII, p. 220. La phrase, obscure et incorrecte, est ainsi rédigée.