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tant d’intrigues furent à la fin couronnées de succès. Pressé par le Roi, Monseigneur finit par donner son consentement. Le Duc de Berry, consulté en dernier, répondit qu’il « obéiroit au Roi avec plaisir, » et le mariage fut résolu.

La chose faite, Monseigneur en prit son parti de bonne grâce. Le Duc et la Duchesse d’Orléans étant venus le voir alors qu’il. était encore à table avec le Duc et la Duchesse de Bourgogne, il embrassa cinq ou six fois la Duchesse d’Orléans, but au beau-père, à la belle-mère, à la belle-fille, et les força de lui rendre raison, « la Duchesse de Bourgogne animant tout et le Duc de Bourgogne étant si aise du mariage et de le voir si bien pris qu’il en haussa le coude jusqu’à tenir des propos si joyeux qu’il ne pouvoit les croire le lendemain. »

Mieux encore que dans cette scène de famille, racontée de seconde main par Saint-Simon, leur joie apparaît dans une lettre que Madame, la grand’mère de la fiancée, adressait le 5 juin à la duchesse de Hanovre. « Le soir quand, à sept heures, j’étais à ma fenêtre, à écrire à la reine d’Espagne et à Mme de Savoie, la Duchesse de Bourgogne avec toutes ses dûmes et son mari accoururent tout d’un coup et s’écrièrent : « Madame, nous vous amenons le duc de Berry, car le Roy vient de déclarer tout haut qu’il espousera Mademoiselle. Le Roi va vous le dire et Monseigneur aussi. Nous les avons devancés. Je dis à la duchesse de Bourgogne : « A l’heure qu’il m’est permis de parler, je vous assurres, Madame, que j’orès une recognoissance éternelle de tous les soins et peines que vous vous estes donnés pour cette affaire. Je say aussi, dis-je au duc de Bourgogne, que vous lavés toujours désiré, dont je vous rends mille grâces. » Au duc de Berry je dis : « Venès, que je vous embrasse, car vous voilà plus que jamais, comme disait Madame la Dauphine le bery de Madame (car elle l’appelait mon Berry il le sait bien… Je vous orès dans mon cœur, je vous aimerès tendrement, mais je suis trop vieille pour vous voir souvent, car je ne puis vous estre bonne à rien. Soyez heureux, gay et content, et je jouirai de votre contentement[1]. » Ces effusions de famille prenaient place les derniers jours de mai. Le 2 juin, le Roi déclara le mariage qui fut

  1. Les lettres de Madame sont écrites en allemand, et nous ne les connaissons que par des traductions. Celle-ci paraît avoir été écrite, en partie du moins, en français. Nous l’avons reproduite telle que M. Jæglé l’a fait paraître, t. II, p. 119 de son édition.