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m’explique que Hastings est surtout non conformist, contrairement à Saint-Léonard, qui est tout à fait high church ; et, à l’honneur de l’église libre, elle ajoute que le plus vigoureux toile contre la guerre anglo-boër est parti de Hastings, les dissidens ne manquant jamais de se mettre à la tête des mouvemens libéraux. Miss Edwards n’a pas besoin d’ajouter, car je le sais comme tout le monde, qu’elle a été l’interprète courageux et persévérant de cette protestation à travers la presse.

Nous gravissons toujours : deux rues suffisent à remplir l’étroite vallée, entre les deux falaises avançantes : la rue Haute où nous sommes et la rue de Tous les Saints, qui descend vers le quartier des pêcheurs avec ses bateaux épars sur le sable et ses grands abris noirs où sèchent les filets. Ce qui est unique si près de la mer, c’est la belle végétation, le luxuriant feuillage. J’admire surtout les ormes qui montent vers le cimetière. Malheureusement des avenues entières de ces arbres, qui étaient la gloire de Hastings, sont tombées pour livrer la place à d’assez laides bâtisses, et les peintres ne sont pas seuls à le déplorer.

Il faut que nos chevaux aient des pieds de chèvre pour nous hisser jusqu’au sommet de la falaise ; là, de petits jardins remplis de fuchsias arborescens, de myrtes et de grenadiers en pleine terre, bordent les cottages alignés. Celui qui me reçoit est un des plus petits. Préservé du vent par le dernier contrefort, il domine la mer, le château, la ligne sinueuse des toits brunâtres de la ville, pressés les uns contre les autres et que refoulent à droite, à gauche les escarpemens herbeux où s’éparpille le bétail. Chaque soir, à travers le silence qui enveloppe les collines, des feux s’allument partout, un à un, et, dans le port, un incendie semble errer sur les flots, c’est le fire ship, le brûlot qui se promène. Ce joli nid d’artiste et de philosophe, énergiquement défendu contre l’invasion du monde, fut légué à l’auteur de The King of the Harvest et d’A Suffolk Courtship[1] par sa cousine Miss A. -B. Edwards, la voyageuse qui a laissé de reconnaissans souvenirs en Égypte où elle passa une partie de sa vie, plongée dans de sérieuses études, et qui fut la fondatrice à Londres de la première chaire d’égyptologie. La villa Julia, comme on la nomme, abrite le travail assidu d’une très féconde

  1. C’est à dessein que nous citons ces deux robustes idylles ; elles doivent être recommandées à tous ceux qui veulent connaître les mœurs, aujourd’hui presque effacées, de la vieille Angleterre rurale.