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quels amalgames bizarres et changeans d’images incohérentes et variées se durent produire dans les songes des populations hantées par l’idée obsédante des interventions surnaturelles, et dans ceux des artistes et praticiens s’efforçant de répondre, tant bien que mal, à des besoins impérieux et séculaires de représentations figurées ! La rareté des monumens, l’incertitude de leurs dates, ne laissent guère, par malheur, suivre de près ces transformations. MM. Bertaux et Venturi n’osent reconnaître, en Calabre, en Terre d’Otrante, dans les provinces byzantines ou le duché de Naples, aucun édifice certain pour cette période. Dans le centre, les princes lombards eux-mêmes, constructeurs si actifs, aux habitudes si fastueuses, ont laissé peu de traces. La colonnade de Sainte-Sophie à Bénévent, une basilique funéraire à Prata, près d’Avellino, restent seules pour nous révéler, chez les bâtisseurs des VIIe et VIIIe siècles, une croissante maladresse professionnelle au service d’imaginations assez ambitieuses et fort éclectiques.

C’est dans les débris, trop rares encore, de sculptures décoratives, et surtout de peintures murales, que s’affirme, néanmoins, durant cette mêlée des races et des idées, une persistance opiniâtre des traditions de beauté survivant à toutes les catastrophes. Certains chapiteaux, quelques fragmens de clôtures à Cimitille près de Nola, Naples, Otrante, Brindisi, Calvi, Città Sant’Angelo, Atrani, Sorrente, conservent, dans leurs décors végétaux et animaux, une animation élégante et colorée, une souplesse et une variété de combinaisons linéaires, avec certaines singularités de détails exotiques, dans lesquelles il faut bien reconnaître l’action renouvelée des pénétrations orientales.

Les arts de la peinture, les plus fragiles de tous, sont ceux (le croirait-on ?) qui nous livrent ici les témoignages les plus instructifs. Par leurs études, attentives et sagaces, sur les mosaïques, fresques, manuscrits de ces époques, MM. Bertaux et Venturi sont parvenus à recueillir toutes sortes d’indications précieuses sur l’iconographie et la technique. Malgré les bouleversemens, dans cette extrémité de la péninsule, la continuité de la production Imaginative, par le coloriage des murailles et l’enluminure des monumens, reste, au moins, aussi visible que dans l’Italie septentrionale. Cette continuité y paraît due, comme ailleurs, à l’intervention des ordres monastiques ; ses particularités y résultent de l’influence simultanée, des deux grands ordres