Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remonter dans l’Italie centrale pour rencontrer un autre exemple, plus complet encore, presque intact, d’une architecture et d’un décor aussi purement français et spécialement bourguignons. C’est l’église de Sant’Antimo au Monte Amiata, dans la région siennoise, décrite et reconnue par M. Enlart dans son enquête, si sagace et si décisive, sur les Origines françaises de l’art gothique en Italie. Toutes ces apparitions, constate M. Bertaux, « doivent être expliquées, comme celles qu’on rencontre en Languedoc et au delà des Pyrénées, par le rayonnement lointain de l’art monastique dont le chef-d’œuvre gigantesque était à Cluny. »

Tout cela n’est point, comme en Angleterre, de l’art normand. Les contemporains de Guillaume le Conquérant, ses rivaux et ses émules, leur entourage et leurs successeurs, n’auraient-ils vraiment rien apporté de leur architecture locale, déjà si formée, dans un pays qu’ils occupèrent si longtemps ? Nous retrouvons enfin leur influence directe, nette et bien marquée, influence féconde d’ailleurs et rayonnante, dans la célèbre cathédrale de Bari, dédiée à saint Nicolas. Les Normands occupaient Bari depuis plusieurs années, lorsqu’en 1087, les reliques de l’évêque de Myra y furent apportées par des marins du pays. La prise de possession donna lieu à des querelles sanglantes entre diverses confréries. Les reliques, à la fin, furent confiées par les habitans à l’abbé Hélie, prieur des Bénédictins, en même temps que le soin d’élever un édifice digne de les abriter. La crypte était achevée en 1089, la construction extérieure en 1105 ; Hélie mourut la même année, ayant eu le bonheur rare d’achever son œuvre, et d’y rappeler deux églises de Caen, l’une antérieure et son modèle, l’abbaye aux Hommes, l’autre, contemporaine, commencée en 1093, sous la même invocation du bon saint Nicolas, dont le culte, si glorieux et si lucratif pour la ville de Bari, était vite remonté, par delà les mers, jusqu’en Normandie.

La cathédrale de Bari put bien, pour quelques détails, servir de modèle à quelques villes voisines de la Pouille ; néanmoins, c’est un type normand qui, dans son ensemble, demeure isolé. Dans l’ancienne Apulie, comme dans l’ancienne Campanie, l’énorme activité architecturale qui signale les XIe et XIIe siècles, s’en tient aux développemens naturels et aux combinaisons variées des deux types traditionnels, de la basilique latine et de la coupole byzantine. Partout le mouvement est donné par les rivalités municipales et, s’il arrive quelques poussées du Nord, c’est