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nous ont préparés mieux que personne à résoudre ou à dénouer les questions nord-africaines avec le moindre effort ; nos bonnes relations avec toutes les puissances méditerranéennes nous ont donné la libre disposition de la mer. En dépit de tous ces avantages qui manquent à peu près tous à l’Allemagne, nous n’étions nullement rassurés et l’œuvre entreprise ou à entreprendre restait à nos yeux assez effrayante. L’Allemagne s’oppose à ce que nous la poursuivions : peut-être nous rend-elle service. Mais c’est un de ces services qui sont pénibles dans la forme, et nous n’éprouvons nullement le besoin d’en faire constater le résultat par une conférence internationale, puisque ce résultat n’est, en somme, autre chose que la ruine de notre œuvre diplomatique, et qu’on nous demanderait peut-être de l’accompagner par surcroît de nos excuses. Pourquoi en ferions-nous ? Nous avions le droit de faire ce que nous avons fait : nous n’avons pas réussi, voilà tout.

Tel est le sentiment qui nous convient en ce moment. Nous n’avons aucune autre raison d’aller à la conférence que le désir d’être agréable à l’Allemagne ; mais alors, que l’Allemagne y mette un peu du sien ! Nous avons des intérêts à ménager au Maroc, et c’est bien le moins que nous veillions à leur sauvegarde. Si l’Allemagne veut bien en tenir compte, nous irons avec elle à la conférence. Dans le cas contraire, pourquoi le ferions-nous ? Il n’est pas besoin d’une conférence pour maintenir le statu quo au Maroc : ce sont là des choses qui vont sans dire, et nous ne comprendrions vraiment pas l’emploi d’un semblable appareil pour aboutir à ce dénouement. La convention de 1880 y suffit.

Nous raisonnons ici dans l’hypothèse, qu’on trouvera peut-être un peu naïve après tout ce qui s’est passé et tout ce qui s’est dit, que l’affaire du Maroc est vraiment l’affaire du Maroc et qu’elle ne cache pas autre chose Les journaux allemands ne nous ont pourtant pas permis d’ignorer que l’attitude nouvelle prise envers nous par leur gouvernement provenait de causes diverses et lointaines, auxquelles la question du Maroc ne tenait que par un fil assez lâche. En somme, le Maroc n’était qu’un incident, et même un prétexte. On avait cm aussi au premier moment que M. Delcassé était la cause première, et même unique, de la tension de nos rapports avec Berlin : il était le pelé, le galeux d’où venait tout le mal. Si cette explication avait été exacte, nos relations avecl’Allemagne auraient évidemment pris, dès le lendemain de sa chute, les allures normales qu’elles ont eues en d’autres temps et qu’elles auraient toujours dû conserver. On connaît