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de dire qu’il parlait en son nom personnel, car il ne savait rien des intentions de son gouvernement : il reconnaissait toutefois que son opinion était, en Allemagne, celle de beaucoup d’autres, ce qui lui donnait, non pas plus de valeur, mais plus de poids. Enfin, comment ne pas attacher quelque importance au fait que M. le professeur Schiemann a suivi l’empereur d’Allemagne dans sa dernière croisière dans la Méditerranée ? Il est allé avec lui à Tanger. L’empereur Guillaume, dont tout le monde connaît la curiosité et l’activité d’esprit, aime à s’entourer de savans et à causer avec eux dans les loisirs d’une longue traversée. Sa vive intelligence s’exerce et s’aiguise à ce contact. Nous voulons bien croire, puisque M. Schiemann le dit, que sa conversation avec l’Empereur a porté plus spécialement sur l’histoire du Maroc ; mais les souvenirs du passé conduisent par une pente naturelle à l’observation et à la méditation du présent, et, pour tous ces motifs, lorsque M. Schiemann parle du Maroc, on ne saurait le considérer comme un causeur tout à fait ordinaire. Or qu’a-t-il dit ?

Il a dit, et même avec insistance, que l’Allemagne était profondément attachée à la paix, et il a exposé les raisons qui, en dehors des simples considérations d’humanité, l’amenaient à y tenir très sérieusement. La paix lui est utile, indispensable même, pour le développement de son industrie, la sécurité de son commerce, le règlement des questions qu’elle a pendantes en Afrique, le règlement de certaines autres qu’elle a pendantes en Europe, celle de Pologne par exemple. Que ce sentiment soit sincère de la part de l’Allemagne et de M. le professeur Schiemann, personne n’en est plus convaincu que nous. L’Allemagne ne veut pas la guerre, et il faut rendre à l’Empereur lui-même la justice que, depuis qu’il est sur le trône, il n’a rien fait jusqu’à ce jour d’où elle pût sortir : c’est même ce qui nous inspire en ce moment le plus de confiance dans le maintien de la paix. « Pour être sûrs de la conserver, a dit M. le docteur Schiemann, nous ferons les sacrifices que comporte notre sécurité, tant pour notre armée que pour notre marine. Notre marine surtout a besoin d’inspirer assez de respect pour que certains milieux anglais cessent d’avoir envie de faire avec elle comme avec la flotte danoise… Notre devoir est de prévoir toutes les hypothèses, et à ce sujet je puis vous assurer que nous sommes préparés… Mais, je le répète, ce sont là des hypothèses pures, et même si l’Angleterre pouvait être tentée de prévenir, par une guerre, quelques déceptions à prévoir dans son empire colonial et ailleurs, il est à espérer qu’elle sacrifierait cet avantage problématique en présence des désastres qu’entraî-