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passerait en horreur tout ce qu’on a pu voir : plus quant civïlia bella.

Et la question de la « succession d’Autriche ? » et la question de l’avenir de l’Empire ottoman ? nos pacifistes ont-ils des moyens « pacifiques » de la résoudre ? et se sont-ils imaginé qu’on les découvrirait au hasard des doctes entretiens de la « Maison des Étrangers ? » — La « . Maison des Étrangers » est « un foyer, nous dit-on, qui manque à toutes les capitales, » et dont le baron d’Estournelles n’envisage pas sans quelque émotion « les imposans développemens, » un « centre de réunions, de conférences, de congrès, d’auditions, d’expositions, » et pour le faire court — et clair — « le rendez-vous des initiatives du monde entier. » — Comment ces initiatives s’y prendront-elles pour réconcilier les nationalités qui se disputent l’Autriche, ou pour imposer à Sa Majesté le Sultan quelque humanité envers les Arméniens ? Hélas ! ici encore, qui ne voit, qui ne sait que l’on n’obtiendra rien par les moyens pacifiques ? Il y a des « nœuds » qu’on ne « dénoue » point, et qui, dans l’avenir comme dans le passé, ne se trancheront qu’avec le glaive. Et nous voilà ramenés à notre point de départ. Quelle étrange besogne, que de faire luire, aux yeux des foules, des espérances qu’il suffit qu’on essaie de préciser, pour s’apercevoir qu’elles sont irréalisables ! mais quelle inspiration plus étrange que de choisir, pour s’y appliquer, le moment de l’histoire où les causes de guerre menacent sur tous les points de l’horizon ! Quand nous n’entendons parler autour de nous que d’ « Impérialisme, » c’est le moment que nos pacifistes choisissent pour envelopper l’humanité tout entière dans l’infinie circonférence de leurs embrassemens ; et quand toutes les nationalités, inquiètes du prochain avenir, opèrent comme un mouvement de concentration sur elles-mêmes, nous, c’est le moment que nous choisissons pour nous diviser, nous répandre, si je l’ose dire, et nous disperser en effusions sentimentales.

Quant aux conséquences que l’on attend de cette conciliation internationale, et dont la principale, on vient de le voir, qui serait le désarmement, est justement la plus irréalisable, les pacifistes se sont-ils aperçus qu’elles ne seraient pas moins graves