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S’il n’est que monocylindrique, l’encombrement doit quand même être énorme : ne faut-il pas, avant tout, que ceux qui vous rencontreront « arrêtés » puissent croire que vous possédez un monstre de vitesse ? On dirait que, dans un certain monde, la personnalité du propriétaire se mesure à la longueur du capot de sa voiture.

Enfin, alors que depuis la naissance de l’automobilisme les efforts des ingénieurs ont toujours tendu à diminuer de plus en plus le poids du véhicule et à le rendre le moins encombrant possible, voilà que tout à coup le bon ton exige des voitures d’une longueur telle qu’il devient très difficile, même en les alourdissant considérablement, de leur donner la rigidité suffisante. Résultat : le poids de nos automobiles augmente de jour en jour et ils en arrivent à ne plus pouvoir tourner dans les rues de Paris, en même temps que, pour les loger, il faut construire des remises spéciales.

De telles erreurs de jugement, et nous ne venons de citer que les plus frappantes, ont, comme on le pense, des conséquences regrettables.

En effet, à mesure que le poids de nos automobiles s’accroît, comme la mode exige, en outre, une installation aussi luxueuse que possible, leur prix de revient s’élève dans une proportion inquiétante. Par suite, alors que tous les esprits pondérés espéraient que notre dernier Salon donnerait le signal d’un développement marqué de la voiture pratique et peu coûteuse, c’est exactement le contraire qui s’est produit : la voiture à bon marché y était presque noyée au milieu des voitures de luxe et de grande puissance. Certes, si au prix d’une bonne carrosserie on ajoute celui du mécanisme, on arrivera toujours à un total assez élevé. N’empêche que le prix de nos automobiles de bonne marque est, à l’heure actuelle, fort au-dessus des bourses moyennes et, par surcroît, radicalement faussé par la spéculation d’abord, par les intermédiaires ensuite, qui le portent à un taux démesurément élevé. Aussi, même dans le domaine restreint du luxe, la suprématie que nous possédons encore est-elle menacée par les grandes marques de l’étranger dont la concurrence, sur notre propre marché, commence à se faire sérieusement sentir. Que va-t-il arriver maintenant que, profitant de l’expérience que nous avons acquise, les autres nations se mettent à fabriquer en masse, par séries et à des prix relativement modérés, pour les exporter,