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prise, et de ne pas laisser abuser d’une doctrine que j’aime pour des fins que je déteste. En voyant déployer ce drapeau, si nouveau dans vos mains, je reconnais le mien et je me sens ému. Mais, en cherchant qui le porte et la tactique qu’il recouvre, je me sens trompé et je m’indigne[1].


Ce serait donc, d’après Montalembert lui-même, dans une première lettre adressée à Cavour « quelques mois » auparavant, vers la fin de 1860, ou tout au commencement de 1861, que se trouverait l’origine de la formule. Pourtant, le 28 novembre 1860, le président du Conseil piémontais renvoyait à un correspondant romain, après avoir de sa main écrit en marge : « J’approuve » Approvo, un document intitulé : Conditions à offrir comme base d’accommodement entre le Souverain Pontife et le royaume d’Italie dans les affaires ecclésiastiques, dont l’article premier portait expressément : « Si proclamerà il principio : Libera Chiesa in libero Stato. On proclamera le principe : l’Église libre dans l’État libre[2]. » La proclamation secrète ou du moins discrète, si ces termes associés ne jurent pas trop, avait, par conséquent, précédé de « quelques mois, » sous la plume ou sur les lèvres de Cavour, la profession publique. Sa volonté était d’aller à Rome, et, depuis le discours du 11 octobre 1860 à la Chambre des députés, tout le monde en Italie et en Europe la connaissait. Toute l’Italie et toute l’Europe avaient entendu, avec les « applaudissemens très retentissans et prolongés » (strepitosissimi e prolungati applausi) dont il avait été salué, le grand cri qui annonçait la naissance d’une nation : « Durant les douze dernières années, l’étoile polaire du roi Victor-Emmanuel a été l’aspiration à l’indépendance nationale ; quelle sera cette étoile par rapport à Rome ? (Mouvement d’attention.) Notre étoile, messieurs, je vous le déclare ouvertement, est de faire que la Ville éternelle, sur laquelle vingt-cinq siècles ont accumulé toute sorte de gloire, devienne la splendide capitale du royaume italique

  1. Deuxième lettre à M. le comte de Cavour, président du Conseil des ministres, à Turin, par le comte de Montalembert, l’un des quarante de l’Académie française. Paris, Lecoffre, 1861. — Il existe, à la Bibliothèque de la Chambre des députés, un très curieux recueil, en vingt-deux volumes, des principales pièces publiées sur la question romaine (Ba 399, 400 et 400).
  2. L’idea italiana nella soppressione del potere temporale dei Papi, per Diomede Pantaleoni, con documenti inediti, 1 vol. pet. in-8o ; Turin, Lœscher, 1884, p. 170. — Cf. Storia documentata della diplomazia europea in Italia dall’ anno 1814 air anno 1861, per Nicomede Bianchi, vol. VIII (année 1859-1861) ; in-8o, Unione tipografico-editrice torinese, 1872. Chap. VIII, IV, p. 405.