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II

Le 11 octobre, Cavour découvrait de Turin sur Rome « l’étoile polaire » du royaume d’Italie et de la dynastie de Savoie ; le 18, il annonçait au docteur Pantaleoni qu’il se proposait d’envoyer auprès du Saint-Père une personne chargée, entre autres choses, « de rechercher si le Souverain Pontife commence à se persuader de la nécessité d’en venir avec nous à des accords qui pourraient être très convenables pour la Cour romaine, et assureraient son indépendance spirituelle beaucoup plus efficacement que les armes étrangères. C’est à cette possibilité que j’ai voulu faire allusion dans le discours que j’ai prononcé récemment à la Chambre des députés, et dont le comte della Minerva expédie aujourd’hui quelques exemplaires à Rome. Je vous serai très obligé de vouloir bien me dire si cette tentative de conciliation vous paraît avoir quelque probabilité de succès... »

Le docteur Diomede Pantaleoni était un médecin romain, — et un excellent médecin, « esimio, » dit Nicomede Bianchi[1], — qui de tout temps avait aimé la politique. Né dans les États pontificaux, il achevait à Rome ses études médicales, quand, le 2 février 1831, le conclave élut Grégoire XVI et quand arriva la nouvelle que Bologne, puis la Romagne entière, puis la Marche et l’Ombrie s’étaient révoltées. Pendant quatre ans, il avait parcouru les meilleures universités d’Europe, suivant un usage très répandu dans les bonnes familles italiennes, et, à son retour, en 1836, il avait rapporté de ses voyages la conviction que, « devant la libre évolution intellectuelle et sociale qu’il avait observée en Europe et dans tous les États civils, un gouvernement comme celui de Grégoire XVI et de Lambruschini, absurdement clérical, était non seulement impossible, mais funeste pour les croyances. » Il en tirait aussitôt la conclusion que « deux choses étaient nécessaires pour sauver l’Eglise : séparer les deux pouvoirs à Rome même, le pouvoir temporel du Pape et son pouvoir spirituel, remettre la Papauté et l’Eglise dans les voies de la civilisation et de la liberté. -> Mais c’étaient les jours où Lamennais, Lacordaire et Montalembert étaient condamnés, où le Pape, dans

  1. Storia documentata della diplomazia europea in Italia, t. VIII, p. 411.