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pour ce qui regarde l’exercice du domaine spirituel, c’est plus que l’Eglise n’ait jamais possèdé, et à quoi osaient à peine aspirer le plus chèrement ceux qui en ont voulu sincèrement la grandeur. Et le royaume italique accorderait tout cela, parce qu’il désire, parce qu’il veut le plein domaine de l’Église dans le spirituel, le triomphe vrai du Saint-Siège dans l’exercice de son autorité, autant qu’il veut pour lui-même la plus entière indépendance et liberté dans le maniement des affaires du temporel[1].


Lorsqu’il remit son mémorandum au cardinal Santucci, Pantaleoni était en possession depuis une quinzaine de jours et d’une lettre du comte de Cavour qui pouvait passer-pour des instructions, et des propositions qui, rédigées à Rome par lui-même Pantaleoni, lui revenaient de Turin approuvées par Cavour. Le président du Conseil recommandait une extrême prudence ; il y avait d’abord la manière : « Comincerò dal modo di procedere. » Pas trop vite, pas trop haut, pas trop fort.


Je ne crois pas que le moment soit venu d’entamer une négociation en règle entre les deux parties. Une proposition d’origine officielle courrait grand risque d’être rejetée sans examen, et cela pourrait compromettre et retarder l’éventualité par nous désirée d’un accord avec le Saint-Siège. Il y a en outre une difficulté quant au moyen de la faire parvenir au Pape et aux cardinaux les moins opposés à la négociation. Il serait dangereux et peut-être inutile de se servir de nos évêques. D’autre part, je crains que, si vous dépouilliez le caractère purement privé que vous avez gardé jusqu’ici pour revêtir celui d’agent même officieux du Roi, votre action n’en devienne moins efficace, parce que plus suspecte et réputée moins impartiale. Or il est très important que vos moyens d’action et de persuasion restent intacts. Dans les négociations avec le Saint-Siège, à cause de la nature spéciale de cette Cour et étant données les divergences actuelles entre les membres du Sacré-Collège, la façon de procéder a une importance capitale. Un faux pas, une démarche prématurée, un signe quelconque qui puisse faire croire, de notre côté, à un désir excessif d’en venir à des arrangemens, suffiraient à faire naître des prétentions exagérées et des retards.


Que Pantaleoni prenne bien garde à éviter ces inconvéniens, et qu’en même temps il avise à faire parvenir aux oreilles qui doivent les entendre les choses qui doivent pourtant être dites. « A mon avis, poursuit Cavour, il y en a deux moyens, l’un public et l’autre secret.

  1. Nel maneggio delle bisogna del temporale. Les mots, dans une négociation menée par Cavour, ont une importance telle que j’ai cru devoir traduire littéralement tous ces textes, dût l’élégance ou même la correction du français en souffrir. — Memorandum presentato al cardinale Santucci, verso 11, 13 dicembre 1860. — Voyez l’idea ilaliana nella soppressione del potere temporale dei Papi, Documenti, IX, p. 173-186, et particulièrement p. 182-183.