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Paris. « Tout crève ici de blé, gémit Mme de Sévigné, et je n’ai pas un sol. J’ai 20 000 boisseaux à vendre : je crie famine sur un tas de blé. » Comment oublier le mot du Duc d’Orléans présentant à Louis XV du pain sans farine : « Voilà, Sire, de quel pain se nourrissent aujourd’hui vos sujets ! » Ainsi le pain blanc est considéré comme un luxe, servi seulement le jour de la fête, et ceci explique mieux certaines locutions qui deviennent de simples métaphores : manger son pain blanc le premier ; bon comme du bon pain ; le pain noir de l’adversité. Les chevaux qui labourent l’avoine ne sont pas ceux qui la mangent. M, d’Avenel observe qu’au XIVe siècle, le roi de France et le duc de Bourgogne se montraient friands d’un certain pain à eux seuls réservé, « qui sans doute ne valait pas celui de nos boulangeries parisiennes. Charles VI se régalait avec des échaudés semblables à ceux que les nourrices aujourd’hui acceptent à peine. » Il y avait d’ailleurs une grande variété de pains, et quelques-uns portaient des noms assez curieux : pain claret, pain tourte, pain seminel, fouache, pain à bourgeois, pain brun, pain de labour, gros pain ballé, pain noir dit de brodde, pain gris, brut, rousset, pain des pauvres, des prisonniers, de munition, etc.

Aujourd’hui, et c’est un immense bienfait de notre civilisation matérielle, le pain bis devient l’exception, le pain de froment la règle. La panification domestique tombe en désuétude, la plupart des ménages ruraux s’adressent au boulanger, échangent leur blé contre du pain, convention très populaire qui évite au producteur des frais de vente et le met à l’abri des variations des cours. Un nivellement général des prix a lieu entre les pays et même entre les différentes années ; la famine est impossible et nous échappons à la crise agricole redoutable entre toutes.

La viande de boucherie, les dimanches, les jours de fêtes, et pour les grandes circonstances, telles que les convois, le battage. « C’est surtout le jour où chacun dépique les gerbes à la batteuse mécanique que chaque agriculteur du Tarn tient à bien recevoir les agriculteurs qui lui prêtent leur concours. » En temps ordinaire, le pain, les légumes, le laitage, le lard ; bien rares sont ceux qui ne tuent pas chaque année l’habillé de soies, « ce bœuf du petit cultivateur ; » le plus souvent on l’élève, parfois on l’achète gras et prêt à être abattu ; celui qui sait bien donner le coup de couteau, celle qui fabrique les meilleurs boudins à la