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cher. Ils ne diffèrent que par le point de départ, puisque l’un commence par l’achat et l’autre par la vente.

Au bout de quinze jours, un mois au plus, l’acheteur doit prendre, le vendeur doit livrer les titres. S’il en était autrement, les spéculations de Bourse seraient purement fictives, une sorte de jeu sur parole où l’on ne paierait jamais. Le jour du terme, de la « liquidation, » l’acheteur à crédit qui ne veut pas payer ses titres doit les revendre ; le vendeur qui n’a pas de titres à livrer doit les acheter. L’un et l’autre alors encaissent ou paient les « différences, » gains ou pertes résultant de l’écart entre leurs ventes et leurs achats.

Ceux qui veulent maintenir leur « position, » pendant le mois ou la quinzaine suivante, se font « reporter. » Ils prennent pour un terme nouveau de nouveaux engagemens, par l’intermédiaire des agens qui se livrent au « pointage » des offres et des demandes et balancent les unes par les autres. Elles ne s’équilibrent presque jamais ; sinon, le « report » représenterait exactement l’intérêt, pendant un mois, du titre acheté le 1er pour être livré le 30. Mais, durant cette période, le titre peut monter ou baisser et, suivant qu’il y a plus ou moins de spéculateurs à prévoir la hausse ou la baisse, le nombre des acheteurs l’emporte sur celui des vendeurs ou inversement.

Les acheteurs sont-ils plus nombreux ? Il faut que des capitalistes interviennent qui leur prêteront, pour trente jours, l’argent nécessaire. Ces reporteurs « lèvent » le titre et le gardent — c’est un prêt sur gages — pour le compte du reporté. Ils le lui livreront « fin courant, » majoré du report, qui représente le loyer de leurs fonds. Ce loyer varie chaque mois suivant la plus ou moins grande abondance de l’argent, et, pour chaque valeur, suivant la plus ou moins grande abondance de titres sur le marché.

Ce titre en effet, que le spéculateur achète avec l’intention formelle de ne pas le prendre et sur lequel le capitaliste prête à la quinzaine sans avoir droit de le garder, ce titre sans place, sans domicile, qui loge en garni dans les caisses des agens, des sociétés de reports ou des établissemens de crédit, quel est-il, d’où vient-il ? et


De sa souche détachée
Pauvre feuille desséchée
Où va-t-il ?