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y compris un fonds de roulement nécessaire de trois à cinq cent mille francs, un débours d’environ 2 400 000 francs. Pour la moitié ou les trois quarts de cette somme, beaucoup d’agens ont des commanditaires, avec qui ils passent des contrats variables ; quelques-uns possèdent seuls presque tout leur office.

Le titulaire, en plus d’un traitement fixe de 30 000 francs, reçoit toujours une part sur les bénéfices ; mais à prélever tantôt avant, tantôt après, la distribution de 5 pour 100 de dividende à ses associés. Les recettes brutes des 70 agens de change s’élèvent à 50 millions environ ; celles des 220 coulissiers atteignent une somme à peu près égale. Ce n’est donc pas sans raison que l’on entend dire : « A la Bourse, il n’y a que les intermédiaires qui gagnent, » quand ils savent ne pas sortir de leur rôle.

Mais, de ce que le public leur paye chaque année quelque cent millions de courtage, il ne s’ensuit pas que leur gain approche de ce chiffre. Sur les 50 millions encaissés par le parquet, les « remisiers » et les frais généraux en absorbent environ 35, et les 15 millions de profit net se divisent entre les offices de façon très inégale : 7 ou 8 gagnent 500 000 francs par an ; pareil nombre ont un rendement de 300 000 francs, une quinzaine réalisent 200000, une vingtaine 160 000 et les moins favorisés, qui forment près du tiers de l’effectif, 100 000 francs seulement. À ces derniers, le capital ainsi aventuré ne rapporte qu’un revenu de 5 pour 100.

Il s’est donc créé des privilèges parmi ces privilégiés et, au sein de ce monopole, des « monopoleurs, » doués à plus haute dose des qualités nécessaires de l’emploi : l’activité et la méfiance. Ceux-là ont su se tailler la part du lion dans une confrérie où, semble-t-il, les chances sont pareilles pour tous et où pourtant mêmes disparités existent que dans la corporation toute libre des coulissiers. Si l’on eût, aboli le caractère officiel et l’exclusivisme d’attributions de la corbeille, ce n’eussent pas été ces princes du parquet qui en auraient souffert. Loin de là ; réunis à deux ou trois en de puissans trusts où leurs noms connus auraient attiré les capitaux en quête de reports et les cliens à reporter, sept ou huit d’entre eux se seraient rendus insensiblement maîtres des négociations et des courtages et le public aurait peut-être souffert d’un monopole réel, sous un régime théoriquement libéral ; tandis que notre monopole théorique