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recommandait au choix de l’Empereur. Honnête homme, soldat austère, dur à lui-même, d’une honorabilité connue qu’il tenait d’une race de magistrats scrupuleux, il était gentilhomme, et, soldat de la Révolution, était resté, par la courtoisie et la culture, homme d’ancien régime. Sa naissance aristocratique le recommandait aux patriciens ; sa parenté avec le saint évêque de Digne, ce Miollis qui a fourni à Victor Hugo le prototype de son évêque Myriel, le rendait agréable au clergé lui-même. Admirateur passionné de l’antiquité, romain par le sang (il était né à Aix), il avait naguère, à Mantoue, fondé des Académies, édifié des monumens à Virgile et au Tasse, séduit les Italiens par le culte qu’il rendait aux bonnes lettres. Assurément, il était hésitant, timoré, facile à influencer, peu fait pour exercer un pouvoir brutal et, partant, incapable de pratiquer avec persévérance cette politique de compression dont, aigri par trop de déceptions, l’Empereur entendit, deux ans après, user avec Rome. Mais ce rôle, je le répète, ne lui était point primitivement destiné : sa mission était de plaire ; ses faiblesses l’y préparaient autant que ses qualités : « sacrifiant plus qu’il ne l’eût fallu, aux termes d’une note de police, au culte de Vénus, » il lui était ainsi loisible de conquérir une Rome que les décrets de Napoléon n’atteignaient pas. Ce soldat plaisait aux lettrés, aux prêtres et aux femmes : c’eût été, sous un autre régime, à Rome, bien des atouts dans un seul jeu.

Miollis devait, dans les premiers mois de ce gouvernement de quatre ans, donner d’autant plus volontiers carrière à des sentimens si bien faits pour séduire, qu’il était poussé dans la voie de la bienveillance par son collègue le plus marquant de la Consulte, ce doux et souriant philosophe qu’était de Gérando, membre de l’Institut, chargé dans la Consulte de l’administration, des lettres et des arts, et qui, imbu d’un optimisme universel, entendait, plus encore que ce soldat lettré, faire régner à Rome, sous le régime de Napoléon, la philosophie de l’âge d’or. Les conseils de Janet, dur financier, leur collègue, ne devaient prévaloir près de Miollis qu’à l’heure où, devant une opposition énervante et sous l’inspiration d’une nouvelle politique, le régime rêvé par de Gérando parut faire décidément faillite.

Le premier soin de la Consulte avait été, nous l’avons vu, d’adresser au peuple romain une proclamation qu’elle jugeait fort émouvante, parce qu’il y était parlé aux anciens sujets de Pie VII de la gloire de leurs lointains aïeux et de la grandeur de