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de ce destin. « Tout chemin mène à Rome, » disait avec son cynique sourire l’ancien séminariste de l’Oratoire. Mais Napoléon aimait Rome en amoureux et, partant, en jaloux. Toutes les fois que, même à titre de délégué de l’Empereur, quelque personnage important émettait la prétention ou acceptait la mission de prendre en main le gouvernement de cette Rome que l’Empereur continuait à tenir pour sa ville, Murat ou Eugène, Bernadotte ou Fouché, Napoléon se gendarmait soudain. A Rome la nomination du duc d’Otrante avait été accueillie avec joie : cette joie avait-elle alarmé l’Empereur ? Quoi qu’il en soit, le décret de nomination fut déchiré et la Consulte prorogée. Olivetti, directeur général de la police, dévoué à Murat, fut brusquement enlevé à Rome. Moins que jamais à la fin de 1810, l’Empereur n’entend qu’on lui vole sa ville ; un fils lui va naître : il s’appellera le Roi de Rome, affirmation nouvelle d’une possession qui continue à l’exalter et dont il ne veut même pas déléguer la gestion à qui pourrait en abuser, Fouché ou Murat.

Il est vrai que, pour laisser à Rome une espérance, il va faire réparer, restaurer avec magnificence, meubler avec un luxe raffiné le palais du Quirinal. Les meilleurs peintres et sculpteurs de Rome seront employés à couvrir d’œuvres d’art, — à la gloire de Napoléon, — les murs de l’ancien palais de Paul V. Thorwaldsen y fera courir, en frises grandioses, le triomphe d’Alexandre ; Ingres, à ses débuts, y peindra Romulus offrant les dépouilles opimes ; Martial Daru, nommé intendant de la couronne, ornera de tapis précieux et garnira de meubles en acajou et bronze doré des appartemens qui, en 1812, seront prêts à recevoir toute une cour. L’Empereur viendra donc. On l’attend comme le Messie. Il veut venir : il y aspire. Mais il met son orgueil à n’apparaître que dans une Rome non pas seulement pacifiée et soumise, mais enthousiaste et toute à lui. Le Pape, réduit au rôle de premier évêque de la chrétienté et rendu au Vatican, l’attendra sous le péristyle de Saint-Pierre et l’y couronnera empereur d’Occident. Il montera au Capitole, regagnera le Quirinal à travers un peuple délirant d’amour et de joie. C’est le rêve qu’il caresse : c’est la seule entrée à Rome qu’il conçoive. C’est pourquoi Napoléon ne viendra pas à Rome.


La Consulte cependant, jugée incapable de préparer un si beau jour, devait disparaître. Il fallait un gouverneur général :