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protégea officiellement le bouddhisme, et ses successeurs firent de même après lui. Mais les lamas, nourris, protégés, comblés de grâces par la royauté, reconnurent ses bienfaits, dès qu’ils se sentirent assez forts, en essayant de la chasser du logis où elle leur avait fait place. Les rois se défendirent, et l’un d’eux, Landarma, dut entamer contre eux une persécution acharnée et finit par les chasser tous du pays. Mais les prêtres bouddhistes le firent assassiner, en 899, par un de leurs affidés qui le frappa d’un coup de flèche dans son propre palais, et, à la suite des querelles intestines qui suivirent sa mort, réussirent à rentrer au Thibet et à recouvrer leur pouvoir.

Il est à remarquer que, pendant toute cette période, le bouddhisme eut une organisation réduite à sa plus simple expression : il n’y avait ni église, ni hiérarchie ecclésiastique. Le clergé n’était autre qu’une association, une confrérie de moines. Comme dans l’Inde, les monastères au Thibet avaient chacun leur administration séparée, et leurs supérieurs étaient indépendans les uns des autres. Quelques membres du clergé s’intitulaient bien patriarches, mais ils n’avaient qu’une autorité nominale et les fonctions qu’ils s’arrogeaient n’étaient pas reconnues par l’ensemble du clergé. Cet état de choses prévalut jusqu’au XIIIe siècle, époque où les khans mongols, convertis définitivement au bouddhisme, voulurent se mêler, sur l’instigation des prêtres, des affaires du pays. En 1253, Koublaï-khan, ayant conquis l’Est du Thibet et la Chine, manda auprès de lui le supérieur du couvent de Çakya, Pandita, se fit couronner par lui empereur à Pékin et, en échange du service rendu, lui reconnut le pouvoir suprême, spirituel et temporel, sur toute la partie du Thibet soumise alors aux Mongols. A partir de ce moment, les supérieurs du couvent de Çakya devinrent les vrais souverains de la plus grande partie du Thibet, prirent le titre de « Sublimité, » et usèrent de leur puissance pour opprimer les sectes rivales, jusqu’au jour où la dynastie nationale des Ming remplaça en Chine les souverains mongols (1368). Prenant ombrage de la puissance du couvent de Çakya, les nouveaux empereurs chinois favorisèrent d’autres couvens et notamment celui de Kadampa, qui ne tarda pas à égaler en puissance et en richesse le couvent de Çakya. C’est de Kadampa que sortit le réformateur du bouddhisme thibétain, le moine Tsong-kapa, qui fut l’Hildebrand de l’Orient.