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jusqu’à la mainmise plus ou moins complète sur le pays soumis. En ce qui concerne le Thibet, c’est sous la forme d’un protectorat étroit et rigoureux que s’exerce la tutelle de la Chine. Le pouvoir de l’empereur est représenté en ce pays par deux délégués impériaux ou ambans, changés tous les trois ans et placés sous les ordres du vice-roi du Sé-Tchouen, avec lequel ils correspondent directement. Ces derniers sont chargés de l’administration militaire et des affaires étrangères et ont pour les seconder deux trésoriers généraux et deux commissaires résidant à Lhassa et à Chigatsé, et trois commandans de troupes en résidence à Lhassa, à Chigatsé et à Dingri. Des garnisons chinoises sont installées en ces trois villes. Indépendamment de ces fonctionnaires d’origine chinoise, l’autorité du Fils du Ciel s’appuie sur des fonctionnaires thibétains. C’est ainsi que la cour de Pékin choisit et nomme à vie le nomokhan, fonctionnaire spécial qui est le vrai souverain temporel du Thibet. C’est en effet au nomokhan (roi de la loi religieuse) qu’on nomme aussi rgyalpo (le roi) que sont délégués tous les pouvoirs civils ; c’est à lui que revient la régence en cas de vacance du trône et en cas de minorité du dalaï-lama. Le confesseur du dalaï-lama ou gouro, le second personnage en dignité, après le nomokhan, est également nommé par l’empereur de Chine. Le dalaï-lama ne peut revêtir sa dignité que muni d’un diplôme en règle signé par l’empereur ; et il en est de même du taschi-lama et des supérieurs des grands couvens du Thibet. D’ailleurs le gouvernement de Pékin n’admet point qu’au cours de sa réincarnation, le dalaï-lama puisse, en vertu de sa nature divine, échapper, d’une manière quelconque, à l’autorité impériale, et, le cas échéant, il s’arroge le droit de retirer tout pouvoir au dalaï-lama qui a cessé de plaire. Dalaï-lama, taschi-lama, et tous les grands fonctionnaires thibétains reçoivent en outre de Pékin un traitement annuel, et, tous les cinq ans, le dalaï-lama ainsi que le taschi-lama sont tenus d’envoyer des cadeaux à la cour de Pékin, sorte de tribut en retour duquel ils reçoivent d’ailleurs de magnifiques présens. En définitive, le résultat d’une lutte de dix-huit siècles au Thibet a été la destruction du pouvoir laïque et l’établissement de la domination du pouvoir spirituel, sous la suzeraineté de la Chine. Dans cette longue série des âges, la lutte entre le sacerdoce et l’empire s’est terminée par la victoire du sacerdoce, avec l’appui de l’étranger. Les rois du Thibet ne sont plus, et, comme représentans des seigneurs des grands dans féodaux de