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entre le Thibet et le Sikkim ; qu’il continuait à entraver de toutes manières le commerce entre le Thibet et l’Inde, et qu’il fit, par exemple, élever sur la frontière, en arrière du marché d’Yatung, une longue et épaisse muraille, de façon à barrer la route aux commerçans qui seraient tentés d’aller faire du trafic dans cette localité. En vain le gouvernement de l’Inde formula, en 1901, des protestations à Lhassa et à Pékin. Un commissaire des douanes chinoises se rendit bien à Yatung, mais son action vis-à-vis des autorités thibétaines fut inefficace. Et quand, en 1903, le gouvernement britannique, qui s’était de nouveau adressé à la Chine, eut obtenu que des fonctionnaires thibétains, munis de pleins pouvoirs, seraient nommés pour régler, avec des commissaires anglais, les questions de frontière et de commerce en litige, les délégués thibétains ne vinrent pas. Encore au commencement de 1904, la frontière n’avait pas été fixée et rien n’avait été réglé.

De ce refus des Thibétains d’entrer en relations avec les Anglais autant que de la sympathie avec laquelle ils ont accueilli les Russes est sortie l’expédition anglaise du Thibet.


IV
L’expédition anglaise au Thibet et le traité anglo-thibétain.

Le Thibet, confiné dans son isolement, offrait une garantie de sécurité pour l’Empire indo-britannique. Fermant leur porte également à tout le monde, les Thibétains se constituaient par cela même les protecteurs de la frontière septentrionale de l’Inde. Mais puisqu’ils cessaient de jouer ce rôle, ils devenaient un sujet d’inquiétude et de danger. Le gouvernement de Calcutta a une vue nette et juste des conditions dans lesquelles il peut vivre et se développer ; il sait que l’une de ces conditions est d’écarter de la frontière nord tout voisinage désagréable et dangereux. L’histoire est là qui lui a appris qu’un ennemi puissant et belliqueux dominant en Afghanistan est bientôt maître du bassin de l’Indus et de la plaine du Gange. C’est ce que démontrent avec évidence les exemples des Ghaznévides, du sultan Baber et d’Ahmed chah. Il en est exactement de même du Thibet. On ne saurait oublier à Calcutta