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intérimaire et limité, comme en cas de vacance du trône. L’ordre renaissait à Lhassa ; les habitans que la vue des étrangers, frappait les premiers jours de terreur, se mettaient à fraterniser avec les soldats ; des démonstrations réciproques d’amitié étaient échangées ; des cérémonies majestueuses célébrées dans le palais-sanctuaire de Potala ; des présens et d’abondantes aumônes distribués aux lamas au nom du gouvernement de l’Inde ; et, grâce au prestige religieux dont jouissait auprès de ses coreligionnaires le représentant du Népal, grâce à la diplomatie avisée et insinuante de cet éminent personnage, qui a fait, pour assurer le succès de la politique anglaise, autant que la supériorité d’armement, la discipline et l’endurance du corps expéditionnaire, le colonel Younghusband réussissait à obtenir des autorités thibétaines un traité qui inaugurait un état de choses tout nouveau au Thibet.

Ce traité, en thibétain, chinois et anglais, rédigé en trois colonnes sur une immense feuille de parchemin, à cause des scrupules religieux qui ne permettent pas aux lamas de multiplier les pages, contient dix articles et un préambule. Les dispositions essentielles ont trait à l’établissement de trois marchés sur la frontière, à Yatoung, à Gyantsé et Zartok ; à l’établissement d’un tarif avec suppression des douanes intérieures, au payement d’une indemnité de guerre de douze millions et demi ; à l’occupation anglaise de la vallée de Chumbi jusqu’à l’acquittement intégral de l’indemnité et jusqu’au fonctionnement des marchés ; au démantèlement des forts dans la zone frontière. C’est l’article 9 qui est le plus important. Il prescrit que, sans le consentement de la Grande-Bretagne, nulle portion du territoire thibétain ne pourra être vendue, louée ou hypothéquée à une puissance étrangère ; qu’aucune puissance étrangère ne pourra s’immiscer à un titre quelconque dans le gouvernement ou l’administration des affaires du Thibet ; que nulle puissance étrangère ne pourra envoyer au Thibet des agens officiels ou des personnes privées pour s’y occuper de la conduite des affaires : qu’aucune puissance étrangère ne pourra obtenir l’autorisation de construire des routes, des chemins de fer, des télégraphes ou d’exploiter des mines au Thibet.

Toutefois, au cas où l’Angleterre consentirait à laisser une autre puissance construire des routes ou des chemins de fer, ouvrir des mines ou établir des lignes télégraphiques, elle se