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réserve d’abord d’examiner pour son propre compte les moyens d’accomplir l’œuvre proposée par cette autre puissance.

Enfin aucune propriété foncière contenant des minéraux ou des métaux précieux, au Thibet, ne pourra être hypothéquée, échangée, louée ou vendue à aucune autre puissance étrangère.

Il n’y a pas à se le dissimuler, ce traité institue une sorte de protectorat britannique sur le Thibet. Sans doute on ne trouve pas, dans le texte même de la convention, une stipulation quelconque relative à la nomination d’un résident anglais à Lhassa, ce qui a été considéré jusqu’ici comme le grand ressort, la cheville ouvrière de tout protectorat. Mais on sait que les Anglais sont passés maîtres dans l’art de trouver des combinaisons et des arrangemens qui permettent de laisser le pouvoir nominal au souverain d’un pays tout en gardant pour eux l’autorité réelle. Peu leur importe le nom, pourvu qu’ils aient la chose. Même, en l’espèce, l’article 9 aggrave le nouveau protectorat par l’exclusion de toute entreprise étrangère. L’Angleterre ne se contente pas d’avoir sa part dans le commerce avec le Thibet : elle exclut de ce commerce toute autre puissance, le Thibet étant obligé de refuser aux États voisins les avantages mêmes que l’Angleterre se réserve exclusivement pour son profit personnel.

En somme le traité anglo-thibétain est une nouvelle formule du protectorat appliquée par l’Angleterre. La fiction diplomatique qui l’institue trouve sa raison d’être et une justification suffisante dans le désir du gouvernement britannique de ne pas offusquer trop ouvertement la Chine, puissance suzeraine, et de lui permettre de sauver la face. Le gouvernement chinois d’ailleurs, en toute cette affaire, n’a montré aucune velléité de contrecarrer les projets de l’Angleterre.

Voyant avec peine l’influence de ses ambans perdre du terrain à Lhassa par suite de la politique pleine d’initiative du dalaï-lama, il a plutôt fait cause commune avec elle et n’a pas été hostile à l’établissement d’un nouvel état de choses qui pourrait donner un renouveau de prestige à ses représentans. C’est ainsi que les soldats chinois n’ont pris aucune part aux combats que les Thibétains ont livrés pour la défense de leur sol et que l’amban chinois, en résidence à Lhassa, est allé, bannières déployées et ses troupes en armes, visiter le colonel Younghusband et le féliciter. Mais, et surtout, le traité anglo-thibétain a trouvé