Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/725

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été partisan de la paix. Il l’a voulue avec intelligence, c’est-à-dire qu’il en a voulu les moyens, et, si ses conseils avaient été écoutés, une guerre néfaste aurait été peut-être épargnée à son pays. On le sait à Tokio aussi bien qu’à Saint-Pétersbourg ; aussi le choix de M. Witte y a-t-il été accueilli avec une satisfaction d’où il est permis de conclure qu’à Tokio comme à Saint-Pétersbourg, on désire la paix. Le second plénipotentiaire russe a été aussi bien choisi que le premier : c’est M. de Rosen, qui était ministre à Tokio avant la guerre et qui était persona gratissima auprès du gouvernement japonais. Nous ne savons pas, personne, hélas ! ne peut savoir, si la bonne volonté des hommes, quelque grande et sincère qu’elle soit, suffira pour dissiper toutes les difficultés des choses elles-mêmes ; mais on peut être sûr que, dans toute la mesure où les intérêts essentiels et la dignité de leur pays le leur permettront, MM. Witte et de Rosen se montreront concilians. Ils ont reçu d’ailleurs des instructions auxquelles ils devront se conformer, et, lorsqu’ils l’auront fait, encore faudra-t-il que l’arrangement dont ils auront posé les bases soit agréé par l’Empereur. C’est ce qu’a dit M. Witte dans des conversations qu’il a eues avec des journalistes, et on s’en est ému plus que de raison dans certains milieux japonais. On y a fait remarquer que des plénipotentiaires devaient être munis de pouvoirs limités sans doute, mais qui, dans ces limites, leur permissent de conclure définitivement et non pas ad referendum. Mais c’est jouer sur les mots. Il n’y a pas de pays au monde où un traité, lorsque les termes en ont été établis par des plénipotentiaires, n’ait encore besoin de la sanction suprême ! Tout ce que peuvent demander les Japonais, c’est que les envoyés russes soient des plénipotentiaires sérieux et non pas de simples courriers de cabinet, et les hautes personnalités de M. Witte et de M. de Rosen leur donnent à cet égard toute garantie.

M. Witte, avant de s’embarquer à Cherbourg pour l’Amérique, a traversé la France et s’est arrêté à Paris, où il a vu M. le Président de la République et M. Rouvier. Rien n’a transpiré des entretiens qu’ils ont eus les uns avec les autres, mais on a raison de voir dans les démarches de M. Witte la preuve que l’alliance franco-russe n’a rien perdu de sa force. Nous pouvons, aujourd’hui plus que jamais, rendre à notre allié des services politiques et financiers dont il apprécie certainement l’importance, et qu’il ne trouverait pas ailleurs avec le même degré d’efficacité. Mais, au même moment où M. Witte arrivait à Paris, une nouvelle singulière, imprévue, qui tenait un peu du roman, se répandait dans le monde : l’empereur Nicolas allait rendre