Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/768

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bientôt les plus hardis parmi les instigateurs du mouvement populaire, sans se laisser arrêter par la résistance des quelques agens de police qui formaient seuls la garde du préfet, étaient entrés à l’Hôtel de Ville, et tandis que l’un d’eux hissait le drapeau rouge sur le dôme du vieux palais, les autres se montraient au balcon et faisaient ratifier par les acclamations d’une foule confiante la composition d’un Comité de Salut public, dont les membres lui étaient pour la plupart inconnus.

Comme j’arrivais à l’Hôtel de Ville, et tandis que les gardes nationaux, s’emparant du fort Lamothe, y prenaient les fusils qu’on leur avait jusqu’alors refusés, le Comité venait de se partager en trois Commissions : celle des intérêts publics, celle des finances et celle de la guerre. Quelle que fût mon incompétence, je me fis inscrire à cette dernière, car l’angoisse de la lutte contre l’envahisseur dominait en moi, à cette heure douloureuse, tout autre sentiment. Tel ne semblait pas être l’état d’âme de la plupart de mes nouveaux collègues ; tout entiers à la joie d’avoir renversé l’Empire, ils ne doutaient pas que la proclamation de la République ne fût le signal des victoires prochaines : nous allions revoir les volontaires de 92 et l’irrésistible élan d’une armée de citoyens !

Pour quelques-uns, pour le petit groupe des affiliés à l’Internationale, peu importaient les victoires de l’Allemagne ; ils ne voyaient dans la disparition de toute force de résistance que la possibilité d’appliquer leur programme : « Plus de patrie ; la solidarité des travailleurs de toute nationalité dans la lutte contre le capital et la propriété. »


III

A côté du Comité de Salut public, une bande composée, suivant l’expression de Challemel-Lacour, « de ce qu’il y a de pire dans le mauvais, » se proclama « Comité de Sûreté générale, » et s’empara de l’Hôtel de Police, où elle rencontra et fit prisonniers le commissaire spécial Jacomet et ses agens. Elle avait pour chef Timon, ancien conseiller d’arrondissement, récemment déclaré en état de faillite, poursuivi sous l’inculpation de « piquage d’once, » acquitté d’ailleurs par la cour d’assises du Rhône, mais condamné plus tard à trois ans de prison pour vol.

Ces gens qui détestaient la police, — ayant pour cela de