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était préfet des Neuf-Portes de Pékin, de l’organisation des forces de police de la capitale ; l’adroit colonel s’acquitta si bien de sa mission que Yuan-Chi-Kai et Tchang-Tche-Tong s’entendirent pour confier aux Japonais l’organisation de la police dans leurs provinces ; presque tous les vice-rois suivirent cet exemple, notamment le Mandchou Si-Léang au Se-tchouen et Tchen-Kouei-Loung au Ho-nan. Dès 1903, une centaine de Japonais instruisaient, tant à Pékin qu’à Wou-tchang, les recrues destinées à former cette gendarmerie mobile qui est déjà et qui surtout deviendra, si l’on n’y prend garde, un puissant instrument d’influence aux mains du Mikado ; les habiles politiques du Japon auront ainsi, gratuitement, à leur service, des agens merveilleusement placés pour les renseigner sur tous les mouvemens de l’opinion et les vœux des populations ; ils pourront, à leur gré, soit maintenir l’ordre, soit, s’ils le jugent plus utile à leurs propres intérêts, le troubler ; la police est l’arme à deux tranchans de toutes les révolutions ; c’est le Japonais qui la maniera.

La forteresse inviolable de la vieille Chine traditionnelle paraissait être le régime des examens. Ces fameux concours triennaux étaient vraiment la marque caractéristique de la civilisation indigène ; tous les mandarins, tous les fonctionnaires étaient choisis parmi les lauréats du concours ; quelle que fût leur naissance, les lettrés les plus versés dans la connaissance des livres où est enfermée la quintessence de la sagesse chinoise, étaient assurés d’avoir, au gouvernement temporel de la Chine, une part proportionnée à leurs succès scolaires. Tchang-Tche-Tong lui-même, dans son Exhortation à l’étude, en confucianiste orthodoxe qu’il est, ne demandait que l’adjonction aux programmes anciens de quelques notions pratiques empruntées aux sciences de l’Occident. Dans les innovations radicales de l’empereur Kouang-Siu, en 1898, ce qui avait le plus effrayé et le plus scandalisé les lettrés et les mandarins, c’avait été la réforme des examens ; ces hardiesses sont dépassées cependant par les réalités d’aujourd’hui : il a suffi, pour accomplir ce prodige, de la dure leçon des événemens et surtout de la propagande nippone. A partir de 1895 et de 1900, les autorités provinciales chinoises prirent l’habitude d’envoyer régulièrement des jeunes gens en mission à l’étranger et surtout au Japon ; les uns vont dans les écoles militaires, d’autres deviennent ingénieurs des chemins de fer ou des mines, d’autres encore s’adonnent aux sciences juridiques ;