Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/847

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il s’était confié et qu’il s’était ouvert de ses projets. Avec quelle joie celle-ci les avait accueillis, il suffit, pour le comprendre, de se rappeler les soucis que donnait depuis longtemps a la tendresse inquiète de cette mère si attentive, ce grand fils dont l’oisiveté et les langueurs, coupées de périodes de dissipation, la désolaient. Il lui parut que la Providence elle-même lui amenait par la main cette belle-fille accomplie. A vrai dire, son fils, en lui contant les choses, les avait un peu arrangées et présentées sous le jour le plus favorable. Il lui avait laissé croire que Mme Birch, en « mère qui fait tout ce que veut sa fille, » souriait à cette inclination, et qu’au surplus il avait fait plaider sa cause auprès d’elle par la marquise de la Pierre. Ce n’était pas tout à fait exact. C’était même à peu près le contraire de la vérité. Il s’en fallait du tout au tout que Mme Birch fût consentante ; et, pour ce qui est de la marquise de la Pierre, elle était mère de quatre filles : ce qui expliquait peut-être qu’elle vît sans enthousiasme lui échapper un jeune homme qui aurait pu devenir un gendre. Mais, pour le moment, ce qui importait à Lamartine, c’était d’obtenir le consentement de ses parens : il était habile de leur faire croire que du côté de la jeune fille tout irait à souhait et qu’il ne pourrait venir d’empêchemens que d’eux seuls. « La difficulté qui me fait trembler viendra de nous, soupire Mme de Lamartine, et surtout de mes belles-sœurs ici ; c’est que la jeune personne est protestante… Qu’y a-t-il de plus antipathique à des oncles et à des tantes si sévères de mœurs et si froidement raisonnables, qu’un mariage un peu romanesque avec une étrangère ? J’ose à peine en parler à mon mari et à ses frères. » Nous savons, par ce qui en est dit dans les Nouvelles Confidences, quelle terreur inspiraient à Mme de Lamartine ce beau-frère et ces belles-sœurs qu’elle était obligée de ménager, parce que de leurs libéralités dépendait l’avenir de ses enfans. Excellens, mais inoccupés et grondeurs, ils l’accablaient de remontrances et de reproches, notamment sur sa faiblesse à l’égard de son fils, « sur les absences fréquentes qu’elle me permettait, sur les séjours à Paris ou sur les voyages à l’étranger qu’elle favorisait de ses épargnes au-dessus de nos forces. » Chaque jour ramenait ainsi dans le salon de famille de Mâcon une heure redoutée : l’heure du martyre. Cette fois pourtant, ce ne fut pas si terrible. En somme, dans l’entourage de Lamartine, tout le monde avait hâte de le voir marié. Dès le 21 septembre, son