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rêveuse, pareille à celle des « ménestrels » qu’il a fait si souvent chanter. Les mots de trouvère, écuyer, paladin, reviennent constamment sur ses lèvres. Jean de Paris est plein de refrains de troubadour et la musique y prend volontiers un air de moyen âge et de chevalerie. Un grand romantique allemand, Weber, ne s’y est pas trompé, et le musicien d’Euryanthe a parlé avec admiration du musicien de Jean de Paris.

La dernière œuvre de Boïeldieu, les Deux Nuits, renferme une page de ce genre, et peu connue, un chant délicieux, en deux strophes ou stances alternées, de guerre et d’amour. Il a pâli sans doute, mais il n’en est peut-être que plus harmonieux, devenu semblable à ces tapisseries d’autrefois où, dans la douceur mourante des laines décolorées, se devinent encore de belles dames, des guerriers et des pages. Deux ménestrels chantent ainsi :


Le beau pays, le beau pays de France
Est un séjour favorisé des cieux.
Lui seul produit en abondance
Joyeux refrains et vins délicieux,
Il plaît au cœur, il plaît aux yeux,
Le beau pays de France.


Nous n’avons cité les paroles, qui sont faibles, que pour mieux désigner la musique et vous y renvoyer. Elle est exquise. Elle a la gravité, l’émotion douce, le respect, la tendresse, avec l’accent, — nous croyons du moins l’y reconnaître, — d’un passé très ancien. Et ce passé, nous sentons au fond de nous qu’il est nôtre. Il y a plus : avec l’histoire de notre pays, cette mélodie, nationale deux fois, en évêque l’aspect, le visage, et, vraiment souriante elle-même, le sourire. Elle est faite à l’image et à la ressemblance de notre patrie. Elle est comme la formule ou l’épigraphe chantante d’un genre que, devant de pareilles œuvres, nous pouvons sans orgueil, mais non sans amour ni même sans piété, nommer le genre français.

Il n’a rien produit de plus achevé que la Dame Blanche. Elle en offre tous les traits, et tous les attraits réunis. Elle aussi, le souffle d’un pur et doux romantisme l’enveloppe et la caresse. Plus d’une page, ou d’un passage seulement, — et nous ne parlons pas des plus connus, — le début de l’ouverture, l’épilogue de la fameuse ballade, la première partie du trio final du premier acte : Je n’y puis rien comprendre, baignent dans un