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Après ces témoignages de sollicitude pour cette affaire de famille, le politique reparaît : « Reste à savoir ce que nous ferons de ces trois jeunes gens qu’il ne faut pas laisser moisir, mandait-il encore à son frère. S’il se tire un coup de fusil en France, il faut qu’ils y soient, ne fût-ce que pour chouanner. S’il n’y a rien de cette nature à faire ni à espérer prochainement, il faut qu’ils aillent volontaires à l’armée de Condé et non pas seulement à l’armée autrichienne comme ils paraissaient le désirer. Le noviciat sera un peu dur, je le sais. Mais outre qu’ils ont à réparer, ce qu’ils sèmeront, ils le recueilleront au centuple. Mais, je vous le répète, en tout état de cause, il faut qu’ils partent promptement pour eux et même pour nous, car il faut les utiliser et surtout ne pas laisser dire que nous avons cherché à les neutraliser. » C’est la même préoccupation qui se manifeste dans sa lettre au prince de Condé : « Il est possible qu’ils aillent me prouver leurs sentimens en combattant sous vos drapeaux et, dans ce cas, je ne suis pas en peine de l’accueil que vous et les valeureux gentilshommes qui sont sous vos ordres, ferez à ces princes redevenus dignes d’être les descendans de Henri IV. »

Tandis que le Roi se prodiguait ainsi pour prouver de quel prix était à ses yeux la rentrée de ses cousins dans le devoir, d’Avaray, qui ne voulait pas être en reste, puisait dans son dévouement à la cause qu’il servait une idée aussi heureuse qu’imprévue. Il tirait de la cassette dans laquelle il la tenait cachée, la fameuse déclaration de 1796, dérobée par ses soins à la connaissance du Roi et il la renvoyait au Duc d’Orléans en l’accompagnant de ces quelques lignes bien faites pour lui assurer à jamais l’amicale confiance du prince :

« Monseigneur, il fut un temps où un royaliste dévoué à son maître ne pouvait que nourrir en silence les sentimens et le respect qui l’attachaient au premier prince du sang. Réduit ainsi que tout Français fidèle à hâter de mes vœux l’heureux jour qui nous comble de joie, je crois cependant trouver une occasion de faire davantage et d’aplanir la route qui devait tôt ou tard conduire Votre Altesse Sérénissime aux pieds de Sa Majesté. Si Monseigneur daigne accueillir avec bonté la démarche que j’ose faire aujourd’hui en lui remettant un écrit de sa main qui me fut adressé au quartier général de Riegel en 1796 et que j’ai soustrait à la connaissance du Roi, j’aurai atteint un but vivement désiré :