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jeunes frères, ils iront se battre pour le service du Roi partout où ils en trouveront l’occasion. Je lis tout cela dans votre âme autant que dans la mienne. »

Les espérances exprimées par d’Avaray allaient être promptement déçues. En se réconciliant avec les Bourbons, les d’Orléans avaient eu surtout pour but de mettre un terme à des divisions aussi nuisibles à la cause royale qu’à eux-mêmes et leur conduite ultérieure, pendant la durée de l’émigration, atteste leur sincérité. Mais, en jurant « de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour le service du Roi, » ils n’entendaient pas abdiquer le droit de juger par eux-mêmes de ce que commandait le bien de ce service ni de choisir les moyens de s’y consacrer. Il n’apparaît pas au point où nous en sommes de leur histoire que l’aîné d’entre eux, le seul des trois qui compte, puisque c’est son exemple qui entraînait tes deux autres, eût entrevu la possibilité de s’unir contre la France à une armée étrangère ni de s’enrôler dans le corps de Condé. Ce qu’on disait de son intention de prendre du service en Autriche, outre qu’on n’en trouve nulle part la preuve, ne prouvait pas qu’il fût prêt à marcher avec les Autrichiens contre sa patrie, et ce qui sur ce point est plus décisif que tous les commentaires, c’est qu’après avoir envoyé sa soumission, il sembla vouloir se faire oublier.

Ce que le Roi attendait de lui et de ses frères, Monsieur le lui avait dit. Sans y opposer un refus formel, il ne s’y conforma pas. Il avait d’ailleurs de graves et justes raisons pour rester à Londres : la santé de ses frères d’abord qui exigeait du repos et des soins et plus encore les démarches auxquelles il se livrait au même moment pour décider sa mère à quitter l’Espagne et à venir le rejoindre en Angleterre où il attendait également sa sœur, Madame Adélaïde. Il alléguait ces démarches ainsi que l’approbation donnée par les ministres britanniques à son attitude réservée et passive. Monsieur, qui s’était contenté de conseiller, n’osa aller, ainsi qu’il l’avouait à son frère, jusqu’à ordonner, soit qu’il craignît un refus du Duc d’Orléans, soit qu’il ne voulût pas déplaire au gouvernement anglais. Une lettre du Roi, en date du 22 avril, nous éclaire sur ce conflit passager auquel les circonstances coupèrent court.

« La piété filiale est un excellent sentiment, mais tout doit avoir ses bornes, et je trouve celle des d’Orléans d’autant plus excessive que leur présence n’est nullement nécessaire pour tirer