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qu’à travers ces vicissitudes, M. Buisson n’est jamais divers de lui-même : il agit en penseur libre, — libre à l’égard de son propre passé.

Dans le jury de la Petite République, le Grand Orient de France était très dignement représenté par M. le sénateur Delpech. Deux autres députés prenaient part aux travaux : un radical, M. Charles Beauquier, député du Doubs, ardent prédicateur d’un désarmement universel ; un socialiste, M. Carnaud, qui fut instituteur avant d’être député, et qui représente à la Chambre un faubourg de Marseille et les « primaires » de France.

De « très nombreux et excellens mémoires » furent adressés au jury ; on affirme qu’il y en avait deux mille. M. Antonin Franchet, instituteur à Paris, fut couronné. Le personnel primaire de l’Aveyron, de l’Yonne, des Ardennes, de l’Ille-et-Vilaine, reçut également des récompenses, et la Petite République, sous le titre : Le bon Dieu laïque, comment on fait des cléricaux et des nationalistes, publia le mémoire de M. Franchet en y intercalant un certain nombre de « fiches » rédigées par les autres lauréats.

M. Antonin Franchet déclarait un jour, à l’Amicale de la Seine que, si l’Alsace nous était restituée, nous devrions, nous, avec un mea culpa, restituer Madagascar. De toute évidence, il n’y a rien de commun entre ce pacifiste qui nous enseigne le remords de nos conquêtes et les patriotes qui écrivirent leurs manuels civiques au temps où Jules Ferry donnait des terres nouvelles à la France. « Démasquons les empoisonneurs ! » Tel était l’exergue du mémoire de M. Franchet.

Les empoisonneurs, c’était M. Mézières, coupable d’avoir écrit que la patrie « pleure les enfans arrachés de son sein, » et c’était M. Mabilleau, inculpé d’avoir enseigné qu’une nation doit tenir à sa gloire. Les empoisonneurs, c’était M. Charles Dupuy, ancien ministre, affirmant qu’il faut témoigner notre amour à la patrie en défendant son sol et son indépendance contre l’étranger, et c’était M. Gabriel Compayré faisant le procès du cosmopolitisme. Les empoisonneurs, c’était Charles Bigot, parlant aux enfans de France des chants antifrançais d’outre-Rhin, et c’était M. l’inspecteur général Jost insérant dans un livre de lecture une poésie sur le drapeau. Les empoisonneurs, c’était M. Émile Lavisse, convaincu de donner à l’écolier, dans son livre : Tu seras soldat, une éducation de cannibale et de bandit, et c’était M. Marmontel, accusé d’avoir introduit, dans ses