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y enlizer, et M. Legrand notait en ces termes la gravité de la situation :


Il n’y a pas une assemblée, pas un congrès d’instituteurs, sans une nouvelle et solennelle adhésion aux rêvasseries dangereuses de la philanthropie internationale. On ne nie pas encore la patrie. On ne renie pas encore la France. Mais on lui demande de se sacrifier sur l’autel de la fraternité humaine. Un tel courant chez les instituteurs, un courant dissolvant et désorganisateur, antipatriotique et antifrançais, à l’heure où le gouvernement et le Parlement s’apprêtent à faire disparaître les derniers vestiges de l’enseignement congréganiste, nous paraît absolument contraire aux intérêts de l’école laïque et de la République.


M. Combes, alors président du Conseil, avait confié l’école laïque à M. Joseph Chaumié. L’écho des assauts que çà et là elle livrait à la patrie troublait apparemment, depuis de longs mois, les oreilles du ministre. Mais M. Chaumié laissait faire. Dès qu’un homme d’Etat blâme un instituteur, il passe pour l’auxiliaire de la réaction : alors des malveillans surviennent, ils épluchent son passé « républicain, » ils en scrutent les origines, ils en contestent le bon aloi : pouvait-on demandera M. Chaumié d’affronter un pareil risque ? M. Gasquet, directeur de l’enseignement primaire, était certain de n’être point désavoué par son ministre, lorsque, dans un banquet d’instituteurs, il recommandait l’esprit de patriotisme ; mais entre les conseils de M. Gasquet et ceux de M. Franchet, les instituteurs demeuraient libres de choisir.

Alors M. Grosjean, député du Doubs, espérant que le grand maître de l’Université puiserait quelque énergie dans un vote du Parlement, rendit à la France le service de provoquer ce vote. Il interpella sur le manuel de M. Hervé, et le ministre déclara qu’il blâmait ce manuel ; il interpella sur les tendances internationalistes de la presse pédagogique, en s’aidant d’une multitude de citations ; et le ministre répondit qu’il fallait voir le contexte, mais que le gouvernement, en tout état de cause, réprouvait les appels à la désertion. Quatre cent soixante-huit députés marquèrent, par leur vote, qu’ils condamnaient de pareils appels ; mais M. Buisson s’abstint ; M. Beauquier, M. Carnaud, votèrent contre M. Chaumié. Ayant tous trois édifié le prestige pédagogique de M. Franchet, ils étaient logiques en se séparant, ce jour-là. du chef de l’Université.

M. Chaumié, sans le vouloir, était devenu un combattant :