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mêlé aux agitations des luttes politiques et religieuses : « Calme et oubli, celui qui les cherche, les trouve à Versailles[1]. »

Quels que soient, cependant, l’infinie variété des souvenirs inhérens à Versailles, la magnificence de son aspect, le charme de ses jardins, c’est d’une époque relativement récente que date le sentiment de respect, en quelque sorte historique, qui s’y attache. Pendant longtemps, avant 1789 et même depuis, le château et le domaine de Versailles furent traités comme un assemblage de bâtimens quelconques, qu’il était permis de modifier, de transformer, de mutiler même, en les appropriant, sans autre règle que les successifs caprices de leurs propriétaires ou de leurs détenteurs, aux usages les plus divers, parfois les plus fâcheux[2]. En notant les principales de ces métamorphoses, nous avons rappelé combien la résidence de Louis XV devint très vite toute différente de celle de Louis XIV. Ce que l’on sait moins, c’est qu’à la veille de la Révolution, sans l’extrême pénurie du Trésor, les architectes de la Couronne eussent achevé de faire disparaître de Versailles presque tout ce qui y subsistait et y subsiste encore du règne du grand Roi. Ils étaient résolus à donner à la façade du palais, du côté de la ville, un aspect néo-grec dont on peut avoir un aperçu dans les dessins que Peyre nous a légués[3]. Rien n’eût survécu de l’élégant monument, en pierre et brique, de Le Vau, déjà si malheureusement défiguré par la suppression de l’escalier des Ambassadeurs, cette entrée incomparable des grands appartemens, et aussi par la construction du pavillon Gabriel qui, en les écrasant, fit perdre aux bâtimens voisins, notamment à l’extérieur de la chapelle, qu’on découronna, en 1765, de son campanile, leurs proportions et leur harmonie[4].

La préoccupation qui avait guidé les architectes de Louis XVI et à laquelle cédèrent, plus tard, ceux de Napoléon Ier et de Louis XVIII, persista jusqu’en 1830. S’il en fut ainsi, ce fut surtout parce que la transformation projetée dès le règne de

  1. Edmond Scherer : Études sur la littérature contemporaine.
  2. « Quelques auteurs, avait écrit Vauvenargues, traitent la morale comme on traite la nouvelle architecture où l’on cherche avant tout la commodité. »
  3. Œuvres d’architecture de F. A. Peyre ; Firmin-Didot, 1828.
  4. On aggrava encore cette impression fâcheuse, lorsque, sous la Restauration, l’on exhaussa d’un troisième étage le Grand Commun devenu l’Hôpital militaire, — dérobant ainsi, de la rue Satory, par exemple, la vue du château qui, jusqu’alors, dominait de sa masse imposante tous les bâtimens circonvoisins.