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M. Dujardin-Beaumetz, lorsque, peu de temps après, il écrivait : « Dans le bel ensemble décoratif qu’offre Versailles, le mobilier manque, et cette absence cause un regret unanime. L’ancien mobilier du château a été vendu pendant la Révolution. Il existe dans les ministères et aussi au Garde-Meuble un certain nombre d’objets mobiliers qui n’y rendent qu’un service relatif et qui compléteraient heureusement la décoration des galeries de Versailles. Nulle part le mobilier des deux derniers siècles ne serait dans un cadre plus approprié. Les appartemens de Versailles constituent un véritable musée ; le mobilier en compléterait la signification ; les quelques meubles qui garnissent l’appartement de Marie-Antoinette montrent tout l’intérêt que reprendraient les appartemens de Louis XIV et de Louis XV si, par la restitution de leur ameublement, leur ancienne physionomie leur était partiellement rendue. »

Jamais, en effet, on n’exprimera assez de regrets pour la disparition du mobilier qui décorait le château de Louis XIV. Saint-Simon qui, pourtant, n’aimait guère Versailles, s’en est fait lui-même l’interprète : « Lorsqu’en 1709, l’année du grand hiver, dit-il, il fut question, parmi les courtisans, de faire le sacrifice de la vaisselle et des objets de luxe qu’ils possédaient, on se souvint des railleries de l’étranger, lorsqu’en la guerre de 1688, tant de précieux meubles d’argent massif, qui faisaient l’ornement de la galerie et des grands appartemens de Versailles, furent envoyés à la Monnaie, jusqu’au trône d’argent ; le souvenir du peu qui en revint et de la perte inestimable de ces admirables façons, plus chères que la matière, détermina plusieurs ministres à s’opposer à ce projet. Cependant, malgré ces raisons, le Roi persista. »

Brillamment reconstitué sous Louis XV et sous Louis XVI, ce mobilier de Versailles comptait des pièces littéralement uniques et merveilleuses. On apprécie toute leur beauté par celles que l’on admire, — tel le bureau de Louis XV, — au Louvre, dans les salles du mobilier national ou au nouveau Musée des arts décoratifs. Mais pour savoir à peu près ce qu’était cet ameublement, il y aurait mieux à faire encore ; il faudrait aller à la préfecture de Versailles, aux Archives de Seine-et-Oise, si riches en documens, consulter les inventaires relatifs à la vente ordonnée par la Convention. Pièces en mains, on y constate quelle incroyable quantité de meubles renfermaient le château de