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certaine noblesse et risquait de se traîner dans un banal terre à terre. Mais un attachement passionné pour la terre natale, frémissant dans les dialogues, étincelant dans les images, sauvait de ce péril le livre de Paul Bert : on n’est jamais traînant lorsqu’on vibre, ni banal lorsqu’on aime ; et Paul Bert aimait et vibrait.

Par ses soins, deux commissions furent créées au ministère de l’Instruction publique : l’une dut aviser à l’éducation militaire, l’autre au chant choral ; et dans ces deux tâches Paul Bert voulait qu’elles s’inspirassent d’un même souci : développer chez les enfans le sentiment patriotique. Tous les moyens lui étaient bons, « plume, crayon, musique, » pour « réchauffer et entretenir cette généreuse ardeur. » D’autres après lui auront la candeur ou l’intolérance de prétendre réaliser l’unité morale des Français en les asservissant à un système de négations philosophiques ; si hostile qu’il fût à toute idée religieuse, voire même à toute métaphysique, Paul Bert rêvait, lui, de l’unification des Français dans le culte de la Patrie.


II

Cet idéal était celui de Jules Ferry lorsque, solennellement, à la fête fédérale que célébraient à Reims les sociétés de gymnastique, il déclarait « sceller un pacte durable entre l’Université de France et les gymnastes, avant-garde pacifique de la patrie armée. » Un certain nombre d’instituteurs étaient là rassemblés : il en profita pour leur faire savoir ce que la République attendait d’eux. « Nous croyons, leur dit-il, que l’éducation militaire ne pénétrera complètement dans nos mœurs scolaires qu’après que l’instituteur sera devenu lui-même un professeur des exercices militaires. » Que le métier des armes commençât dès l’enfance, que la manœuvre enseignée à l’écolier devînt ainsi pour le jeune homme une seconde nature ; que l’instituteur se préoccupât d’ « incliner l’esprit des enfans aux choses militaires : » tel était le programme que Jules Ferry développait à Reims. Dans la pensée de Ferry comme dans celle de Paul Bert, l’instituteur devait préparer la besogne de l’officier, l’école primaire de la République devait être, en quelque mesure, une institution militariste. « Que nos maîtres, lisait-on dans la Revue Pédagogique, sachent remplir dignement la haute mission qui leur est confiée,