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aux jeunes lauréats d’attrayantes histoires d’héroïsme ; ils parlaient de la « plus grande France » de la veille, — l’Alsace, — et de la « plus grande France » du lendemain, — les colonies : ils apprenaient, et c’était le plus bel éloge que la Revue pédagogique crût en pouvoir faire, à devenir soldat de la tête aux pieds. Amour sacré de la patrie : ainsi s’intitulait un roman pour la jeunesse, auquel Paul Bert en personne mettait une préface. L’imagination des conteurs marchait de la même allure que la verve des vulgarisateurs d’histoire ; pour orner tous ces beaux livres exaltés que remettaient aux bons élèves les représentans de la République, le crayon des dessinateurs inventait des scènes de bataille ; et le relieur, à son tour, sur le rouge vif du rayonnant cartonnage, faisait resplendir quelque panoplie dorée. Il est amusant de feuilleter aujourd’hui les catalogues d’ouvrages illustrés, publiés entre 1880 et 1885 par les jeunes librairies qui pourvoyaient aux besoins nouveaux de l’éducation nationale : dans ces documens périmés et surannés, on saisit le généreux parti pris d’entraînement patriotique auquel étaient adaptées les lectures des petits Français. A juger ces volumes, sans doute, de multiples réserves s’imposeraient : l’on en trouverait qui mutilaient l’histoire de notre pays en la faisant dater de 1789 ; d’autres, — et Paul Bert, ici, avait donné l’exemple, — ne pouvaient résister à cette médiocre volupté, de faire brûler aux yeux de leurs jeunes lecteurs quelques bûchers allumés par des moines, ou de montrer des seigneurs ravageant les terres des paysans. Mais dès que se profilait au milieu de ces pages une silhouette de soldat, dès que se déroulait une scène de guerre, la gravure, alors, était un hommage ; elle se recueillait, s’attendrissait, prenait même quelque chose d’emphatique ; elle ennoblissait l’héroïsme comme certains artistes du XVIIIe siècle ennoblissaient les vertus de famille ; et finalement, victorieuse de tous les sourires, elle voulait être, et elle était, une leçon de bravoure, d’esprit militaire. La bonne et sainte petite gravure, qui savait captiver les enfans, eux qui ne songent qu’à vivre, en leur apprenant à mourir !


IV

Plus encore que sur les livres, la République comptait sur la parole de ses instituteurs, pour faire aimer la France. « De