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coup d’essai des sculpteurs du XVe siècle. Le contrat ne présente pas cette Mise au tombeau comme un monument insolite. Certains détails semblent déjà traditionnels. Il est donc probable que c’est entre 1420 et 1450 que les sculpteurs imaginèrent ces étonnantes Mises au tombeau faites de grandes figures groupées autour d’un sarcophage. C’est précisément l’époque où les Mystères mettent sans cesse sous les yeux des artistes la scène de la mise au tombeau.

Voici sous quel aspect se présentent le plus souvent nos Saints-Sépulcres. Il y a sept personnages. Les deux vieillards, aux deux extrémités du sarcophage, soutiennent le cadavre étendu sur le linceul. Au milieu, comme il convient au personnage principal, la Vierge, prête à défaillir, est soutenue par saint Jean. À droite de la Vierge, une sainte femme est debout près de la tête du Christ, à gauche, une autre sainte femme, accompagnée de la Madeleine, se tient près des pieds. Tous les acteurs du drame, à l’exception des deux vieillards, se présentent de face et sont rangés sur une seule ligne. Il faut signaler encore la présence de deux soldats debout ou endormis près du Saint-Sépulcre, particularité qui est d’ailleurs assez rare. Ces deux soldats sont quelquefois remplacés par deux anges portant les instrumens de la Passion.

À mesure qu’on avance dans le XVIe siècle, on voit ces élémens groupés avec une plus grande liberté. Mais personne n’en usa plus librement avec la tradition que Ligier Richier dans son fameux Saint-Sépulcre de Saint-Mihiel. Il n’a rien inventé, mais il a groupé ses personnages avec une audace où l’on sent un profond dédain pour les vieilleries du passé. Le Christ ne disparaît plus à demi dans le tombeau, il se présente au premier plan soutenu par les deux vieillards, pour que nous puissions admirer à loisir son anatomie. Les saintes femmes se sont arrachées à leur contemplation pour préparer le sépulcre ; la Madeleine baise les pieds du mort. L’ange qui porte les instrumens de la Passion n’est plus isolé sur un piédestal, il se mêle à l’action et s’élance pour soutenir la Vierge. Quant aux soldats, ils ne montent plus la garde aux côtés du tombeau : réunis autour d’un tambour ils jouent aux dés et font un motif pittoresque. C’est là l’œuvre d’un artiste habile et vigoureux, mais qui étale vraiment trop son talent. Combien la vieille ordonnance, dans sa modestie, était plus touchante !