Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quel est ton chef ?

— L’Empereur.

— Qu’est-ce que l’esprit militaire ?

— L’obéissance et le sacrifice.

— Qu’entends-tu par grande vaillance ?

— Ne jamais regarder le nombre et marcher en avant

— D’où vient la tache de sang qui rougit ton drapeau ?

— De celui qui le portait dans la bataille.

— A quoi te fait-elle songer ?

— A son bonheur.

— L’homme mort, que reste-t-il ?

— La gloire.

Le petit Japonais, tel que ses instituteurs le forment pour la caserne, est capable, non point seulement d’apprendre par cœur ces âpres et viriles leçons, mais de les retenir dans son cœur. En 1900, M. Weulersse, visitant le Japon, voyait un instituteur marquer en noir, sur la carte de Chine, la presqu’île de Liao-Toung, et un autre habituer les enfans à marcher nu-pieds dans la neige afin qu’ils fussent tout dispos lorsqu’il s’agirait de fouler le sol sibérien ; ces deux instituteurs étaient deux précurseurs, ils jalonnaient les routes prochaines des flottes et des armées.

Dans un autre archipel tout voisin de nous, l’instituteur s’aperçut, il y a quelque douze ans, qu’il faisait trop peu, qu’il travaillait trop tièdement, pour le développement de l’esprit national. Une conférence, donnée par M. Bryce aux membres de l’Association des directeurs des écoles publiques de Londres, provoqua cet éveil patriotique qui depuis lors ne s’est point assoupi. Ils s’interrogèrent et s’accusèrent ; ils se demandèrent, remués par M. Bryce, s’ils inculquaient assez fortement à la gent écolière le respect du drapeau, et si les petits Anglais qu’ils éduquaient sortaient de leurs mains suffisamment Anglais. Des opuscules civiques de M. Forster, membre de la Chambre des communes, survinrent à point, pour encourager leur anxiété d’éducateurs et seconder leurs patriotiques intentions.

Alors une initiative surgit, pour offrir au conseil scolaire de Londres douze cent cinquante francs, destinés à l’achat de drapeaux anglais. On les placerait, dans chaque école, au-dessus du bureau du maître ; et tous les mois, en l’honneur de ces drapeaux, une cérémonie scolaire se déroulerait. L’instituteur donnerait une conférence sur quelque épisode national ; un élève réciterait quelques vers patriotiques, et toute la classe défilerait,