Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/776

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’établissement de trois sœurs de Saint-Vincent de Paul, une subvention pour leur nouvelle école, et, pour lui-même, l’entrée du Bureau de bienfaisance. Il faillit même obtenir une école de Frères de la doctrine chrétienne ; mais, cette fois, le scandale fut à son comble : on menaça le préfet d’une insurrection populaire, et les Frères, arrivés à Genève, durent en repartir.

L’Empire écroulé, M. Vuarin pouvait tout craindre pour son Eglise et pour son œuvre. Il se révèle alors le plus actif et le plus consommé des diplomates. A Vesoul, auprès du prince de Schwartzenberg, généralissime des alliés, à Bâle, auprès de Metternich, à Paris, à Turin, à Gênes, partout où il y a une influence à neutraliser, un appui à conquérir, on le retrouve en personne, et toujours agissant par la parole ou par la plume, habile, éloquent, persuasif. Voyages, lettres, notes ou mémoires, rien ne lui coûte pour défendre ses droits, pour renseigner les puissans, pour mettre en œuvre les bonnes volontés. Il frappe hardiment aux portes les plus hautes. Il sait intéresser à sa cause « les personnages les plus divers, le Pape, le roi Louis XVIII, le roi Victor-Emmanuel, l’empereur d’Autriche, le tsar Alexandre lui-même. Au terme de ce persévérant effort, en 1816, le traité de Turin, bien loin de ruiner les positions acquises du catholicisme genevois, les consolide au contraire : la vieille république, reconstituée et agrandie, consent enfin à « loger et doter convenablement » le curé de Genève ; elle s’engage à respecter les droits politiques et religieux des 16 000 catholiques qui lui sont cédés par la Savoie et par la France. La cité de Calvin devenait la capitale d’un pays mixte : en renonçant à son isolement, elle avait dû, au moins momentanément, renoncer à son exclusivisme.

Aussi bien, M. Vuarin veillait. L’Etat vraiment neutre est peut-être partout et en tout temps une chimère, mais dans la Genève d’alors, plus que partout ailleurs. Sur la question des écoles, à propos du chômage des fêtes, de la loi sur le mariage, des nominations ecclésiastiques, du serment et du changement de diocèse, de graves conflits ne tardèrent pas à s’élever. Tous ces empiétemens du pouvoir civil rencontrèrent en M. Vuarin un infatigable adversaire. Il était si gênant qu’on s’avisa, pour paralyser son action, d’un ingénieux stratagème. Genève, depuis la Révolution, relevait de l’évêque de Chambéry : sous divers prétextes fort spécieux, des négociations furent entamées à