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ou démocratique, réclament de l’école qu’avant d’aspirer à être l’ouvrière du progrès humain, elle travaille, avec assiduité et modestie, au progrès de l’énergie nationale.

Mettez à la base de l’enseignement primaire cette idée fondamentale, et tout de suite certaines maximes en découlent, auxquelles le régime scolaire devra se conformer religieusement.

En premier lieu, il serait contraire à l’essence de l’école, à son devoir et à son but, de servir dans un pays les intérêts d’un parti. De quelque prétexte que se couvrît son attitude, fût-ce au nom de certaines idées réputées modernes, l’instituteur payé par la nation pour un office national ferait le contraire de la besogne qu’on doit légitimement attendre de lui, s’il affectait un rôle dans les divisions intérieures de la nation. L’Etat qui forme les citoyens, comme l’État qui les arme, doit, autant qu’il est possible, s’efforcer de les unifier ; sur les bancs de ses écoles comme dans les rangs de son armée, il doit rechercher l’intérêt supérieur de la cohésion et de l’harmonie nationale. Dès que l’idée de « laïcité » déguise le parti pris d’installer dans l’enseignement une doctrine anti-religieuse ou bien une philosophie antimétaphysique, cette idée fait œuvre de division et d’exclusion ; elle ne peut plus se flatter d’être la traduction d’une noble et grande réalité, de symboliser et de personnifier ce qu’il y a de commun entre tous les membres d’un même peuple, la conscience nationale et l’intérêt national ; elle est, purement et simplement, une abstraction militante, et tout de suite offensante.

Encore moins l’école primaire, — et c’est la seconde conséquence de son caractère national, — devra-t-elle, d’une façon plus ou moins ouverte, se mettre en conflit avec l’institution même chargée de la défense du pays, avec l’armée. Dans la république de Paul Bert et de Jules Ferry, comme dans la monarchie de Guillaume il ou dans celle du Mikado, l’école est, au contraire, une introduction à l’armée. Le maître d’une telle école n’admettra jamais qu’il y ait contraste entre sa tâche et celle de l’officier ; il ne dessinera pas d’hyperboliques antithèses entre l’instituteur porte-lumière, messager anticipé de la paix des nations, et l’officier traîneur de sabre, survivant des époques barbares ; il ne considérera pas la caserne et l’école comme deux institutions hétérogènes, et ne s’amusera point à pronostiquer, en des rêveries coupables, la multiplication des écoles sur les décombres des casernes.