sonnel et plutôt moral. Dans le double mouvement de la pensée de Nietzsche, ce qu’il y a de plus singulier, c’est l’aller, non le retour ; ce n’est pas l’apostasie, mais l’apostolat. Nietzsche est parti, pour ainsi dire, à faux, et son wagnérisme, ou sa « wagnérie, » à mesure qu’on l’observe davantage, apparaît de plus en plus sinon peut-être comme une « maladie, » au moins comme une méprise.
M. Faguet l’a très bien dit : « Avant tout, » — et nous ajouterions volontiers après tout, car c’est le fond même de la na-ture de Nietzsche et, couvert un moment, il a fini par reparaître ou par remonter, — « Nietzsche est un classique, un apollinien et un dionysiaque, un néo-Grec, un helléniste qui voudrait être un Hellène… De là sa passion pour le drame de Wagner, dans lequel il a cru retrouver la tragédie grecque. Et de là aussi (sans tenir compte des raisons d’ordre intime que je conviens qu’il faudrait compter), sa colère, plus tard, contre ce même drame de Wagner. »
Wagner et l’antiquité : l’erreur de Nietzsche fut de vouloir établir entre ces deux termes une assimilation possible, bien que douteuse encore, sur quelques poiiats secondaires, mais qui, sur d’autres, les plus nombreux et les plus importans, se dérobe ou plutôt se résout en une irréconciliable antithèse. Nietzsche a faussé par là des rapports naturels, qui sont d’opposition et non de similitude. C’est justement cette déformation qui donne à sa première apologie de Wagner, l’Origine de la tragédie, je ne sais quoi d’oblique et de paradoxal. Le panégyrique suivant, Richard Wagner à Bayreuth, est fondé sur d’autres bases ; il leur doit plus de droiture, d’assurance et de solidité.
Nietzsche rapporte à l’année 1881 « une transformation soudaine, profonde et décisive de son goût, surtout en musique… une régénération totale de l’art d’entendre. À Recoara, petite ville d’eaux près de Vienne, où je passai le printemps, j’observai, nous dit-il, avec mon maestro et ami Peter Gast, — un « régénéré » lui aussi, — que le phénix musique volait près de nous paré d’un plumage plus léger et plus brillant qu’autrefois. » Au fond, la régénération n’était qu’une réminiscence, et dans le phénix aux couleurs plus vives, à la voix plus mélodieuse, Nietzsche aurait pu reconnaître « l’oiseau de ses jeunes années. »
Il volait vers le Sud, et Nietzsche suivit son ossor de toute l’ar-