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métiers, et les miasmes de l’huile animale qui frappent l’odorat dans quelques fabriques, laissent d’abord une impression bien différente dans l’esprit d’un étranger, ni les hommes ni le peu d’enfans qu’on y emploie ne souffrent de ce genre d’occupation. » Mais voici plus fort : « et plusieurs, au contraire, s’en trouvent bien[1]. » À ne rien exagérer, disons qu’ils ne s’en trouvent pas mal, et que les statistiques le prouvent, par la proportion, déjà citée, de 4,39 ouvriers et de 2,15 ouvrières pour 100 au-dessus de soixante-cinq ans, qui dépasse légèrement celle des ouvriers et ouvrières du lin, notablement celle des ouvriers et ouvrières du coton et de la soie[2].

Pareillement, qu’ils se trouvent mieux maintenant qu’il y a un demi-siècle, non seulement par la diminution de la peine, due aux progrès de la chimie et de la mécanique, mais aussi par l’augmentation du salaire, les chiffres de Villermé et ceux de l’Office du travail en témoignent. Villermé avait étudié Elbeuf, Louviers, Reims, Rethel, Sedan, Amiens, Lodève, Bédarieux et Carcassonne, le Nord et le Midi. Pour la région normande, autour de Rouen, à Darnetal, il attribue comme salaire moyen, dans les tissages ou les filatures : aux hommes, de 1 fr. 80 à 2 francs ; aux femmes, de 1 franc à 1 fr. 10 ; aux enfans, de 0 fr. 50 à 0 fr. 75 par jour[3] ; et l’on peut, sur ses renseignemens, dresser des salaires réels, selon les catégories ou spécialités, le tableau ci-après :

HOMMES


Darnétal. Elbeuf (1887).
fr. c. fr. c. fr. c. fr. c.
Fileurs 2 80 3 » à 3 67
Tondeurs de draps 2 75 2 » à 2 25
Laineurs 2 » 2 » à 2 25
Manœuvres ou journaliers 1 75 à 2 » 2 »
Tisserands travaillant chez eux[4] 1 67 à 2 » 2 25
Boudineurs dans les filatures 1 67
  1. Andrew Ure : Philosophie des manufactures, t. I, p. 274.
  2. Coton : ouvriers au-dessus de 65 ans, 2, 97 pour 100 ; ouvrières : 1, 89.
    Soie : — — — 3, 27 — — 1, 72.
    (Résultats statistiques du recensement des industries et professions, t. IV. (Résultatz généraux, p. XCIII.)
  3. A Elbeuf (1834 et 1835), aux ouvriers les plus habiles, hommes, de 3 à 4 francs ; aux ouvriers ordinaires, hommes, de 1 fr. 75 à 2 francs ; femmes, de 1 franc à 1 fr. 25 ; enfans, de 0 fr. 75 à 1 franc ; aux ouvriers les moins habiles, hommes, 1 fr. 50 ; femmes, 0 fr. 75 ; enfans, 0 fr. 45 ; à Louviers (1833), mêmes moyennes, sauf pour les enfans depuis l’âge de dix ans jusqu’à celui de dix-sept ans, qui ont gagné de 0 fr. 55 à 0 fr. 90.
  4. Mais travaillant exclusivement et toute la journée à leur métier sans aucun travail agricole.