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pendant les dernières années du second Empire la place que lui avaient conquise les premières années brillantes du règne de Napoléon III, mais cette place et son importance ne répondaient plus à la situation du moment. La guerre de 1870 s’en est suivie… L’influence politique de Nicolas 1er, au moment où éclata la guerre de Crimée, n’était plus en rapport avec l’état de faiblesse intérieure de son Empire. Ses prétentions n’étaient plus justifiées…

D’autre part, les troubles de la Révolution française avaient ébranlé les assises du pays et avaient exposé la France à une invasion étrangère. Les forces morales de la nation se sont alors réveillées, et c’est ce réveil qui l’a sauvée de la ruine. Le sentiment patriotique s’y étant manifesté avec une vigueur sans exemple a fait pencher la balance de son côté, et a même rendu possible l’avènement d’un grand conquérant !

Ces causes intérieures, physiologiques, des guerres ne se laissent nettement percevoir que dans l’histoire. Elles ne sont pas toujours manifestes aux yeux des contemporains, ni même de ceux qui se trouvent directement engagés dans les affaires politiques. Il faut une perspicacité particulière et une grande netteté de jugement pour saisir à un moment donné la vraie nature des rapports de puissance entre les différens États et apprécier ce que l’on peut raisonnablement atteindre, ce qu’il est possible de risquer et où l’on doit s’arrêter. Aussi bien, pour éviter un conflit, faut-il quelquefois savoir céder en se contentant de solutions qui ne portent pas atteinte à l’honneur et à l’amour-propre national.

Or, c’est là que se présentent généralement les plus grandes difficultés. Les motifs extérieurs des conflits ne sont ordinairement pas en rapport avec leurs causes intérieures. Les prétextes, les incidens qui déterminent une rupture sont pour la plupart insignifians et ne répondent point aux vraies causes qui l’ont rendue inévitable.

La rupture entre la Prusse et l’Autriche, en 1866, a eu pour motif immédiat une discussion sur le retrait simultané des troupes que, des deux côtés, on avait déjà échelonnées le long de la frontière à la suite de conflits dans les Duchés de l’Elbe. En 1870, c’est la fameuse entrevue d’Ems à propos de la candidature Hohenzollern qui a amené la déclaration de guerre. Ni la France ni la Prusse n’avaient un intérêt vital à ce que ce fût de telle ou telle autre façon que Léopold de Hohenzollern fût