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l’exécution des grands travaux, en un mot, la transformation progressive du Maroc en un État moderne. Sur le papier, et pour la clarté de l’exposition, ces trois modes d’action se distinguent nettement ; mais dans la pratique, ils devaient rester inséparables et concourir au même résultat en se complétant constamment l’un l’autre. Nous verrons, en exposant la politique qui a été suivie, quels fâcheux effets la méconnaissance d’une vérité si évidente a entraînés et comment elle a contribué à créer la situation actuelle.


II

Décidés à subordonner notre action au Maroc au consentement préalable des grandes puissances, nous étions dans la nécessité de n’en négliger aucune et de frapper à toutes les portes ; car les puissances étaient toutes bien qu’à des degrés divers, intéressées à l’avenir du Maroc. Toutes avaient signé, en 1880, la convention de Madrid. La Conférence de Madrid devait naturellement faire appel à tous les gouvernemens étrangers, puisqu’il s’agissait d’y fixer un point spécial de droit international, la protection des étrangers dans l’empire chérifien ; elle avait aussi, par son article 17, stipulé que toutes les nations jouiraient, au Maroc, du traitement de la nation la plus favorisée ; elle pouvait donc être considérée comme constituant, en faveur du caractère international de la question marocaine, un précédent dont la diplomatie allemande a d’ailleurs singulièrement exagéré la portée. Toutes les puissances avaient au Maroc des intérêts commerciaux et, dans le détroit, des intérêts maritimes qu’il importait de rassurer. Deux pays toutefois se trouvaient, vis-à-vis du Maroc, dans une situation particulièrement avantageuse qui pouvait rendre nécessaires, de notre part, des concessions plus importantes : c’était l’Espagne, dont les côtes s’allongent en face de celles du Maghreb et qui possède, sur le sol même du Maroc, ses presidios ; et c’était l’Angleterre, maîtresse de Gibraltar, dont l’influence auprès du Sultan rivalisait depuis longtemps avec la nôtre. La convention du 8 avril 1904, moyennant l’abandon de nos droits sur l’Egypte et sur Terre-Neuve, stipula que la Grande-Bretagne n’entraverait pas l’action de la France au Maroc ; l’Espagne, par la convention du 7 octobre, obtint de son côté, en échange du même engagement, des