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laisser croire que tous les nuages sont dissipés : « Les courans de ce genre peuvent être réprimés sur un point et renaître sur un autre. » Toutefois, il veut bien constater « avec satisfaction » qu’on est parvenu à s’entendre par des moyens diplomatiques sur la convocation, et le programme d’une conférence. « La paix du peuple allemand affirme-t-il enfin, m’est sacrée ; mais le signe des temps où nous sommes impose à une nation le devoir de renforcer ses moyens de défense contre les attaques injustes. » En conséquence, le gouvernement impérial demande au Reichstag un nombre très respectable de millions en vue de développer sa puissance militaire sur terre et encore plus sur mer. C’est ce qu’il ne faut pas oublier en parlant de ces discours. Il est conforme à l’usage et à la logique, lorsqu’on demande à un parlement de l’argent, beaucoup d’argent, pour l’appliquer à des dépenses militaires, de lui présenter la situation comme sujette à certaines préoccupations. Les taxes nouvelles porteront surtout sur la bière et sur le tabac, objets de consommation d’usage, général et populaire en Allemagne : il faut donc bien les justifier. Néanmoins, on aurait tort de croire que le discours de l’Empereur et celui de son chancelier s’expliquent seulement par des considérations de ce genre. Les crédits une fois obtenus, l’horizon ne s’éclaircira pas comme par enchantement. L’attitude du gouvernement allemand à notre égard tient à des causes plus complexes, et puisqu’elle subsiste, il faut bien croire que les causes subsistent aussi. Mais pourquoi ? C’est ce qu’il est assez difficile de comprendre, ou du moins d’expliquer, car à force d’expliquer on aurait l’air de justifier.

Le discours de M. de Bülow, avons-nous dit, n’est qu’une seconde édition de celui de l’Empereur : elle est seulement plus développée. On y chercherait en vain, et c’est ce qui nous frappe très vivement, un mot, un seul mot, qui témoigne d’une détente quelconque dans les rapports de la France et de l’Allemagne depuis que M. Rouvier a succédé à M. Delcassé au ministère des Affaires étrangères. Comme cette omission est certainement intentionnelle, il convient de la signaler tout de suite : nous y reviendrons dans un moment.

Mais quelle est la thèse de M. de Bülow ? Naturellement, elle se rattache à celle de l’Empereur, à savoir qu’il y a eu de notre part une tendance à négliger, à oublier l’Allemagne dans nos arrangemens avec d’autres puissances au sujet du Maroc. En a-t-il été ainsi ? C’est bien possible : on nous l’a répété si souvent que nous voulons bien l’admettre. Cependant nous n’avons pas été sans quelques excuses. Notre arrangement avec l’Angleterre était connu à Berlin, et même dans