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la sécurité du Magenta. Il en résulta une panique à bord, au cours d’une manœuvre d’artillerie faisant prendre au navire une inclinaison prononcée. L’affaire, aujourd’hui oubliée, fit du bruit dans la presse parisienne. Le ministre d’alors se plaisait à découvrir des responsabilités et avait ensuite la main lourde, surtout pour frapper à faux, comme il fit après l’accident de tuyautage de l’Aréthuse : il songea à sévir contre l’auteur des plans, mais il se renseigna heureusement à bonne source. On lui démontra sans peine que la panique était sans fondement et le Magenta sans défaut à l’état intact ; qu’un ingénieur est hors de cause, d’ailleurs, quand il a préparé des plans conformes aux instructions ministérielles les plus précises ; et qu’il ne pourrait être, sans injustice, sacrifié, de ce fait, au profit des incapables ou des paresseux qui n’ont, de leur vie, dessiné ni un navire, ni une gaffe. L’affaire en resta là ; mais la connaissance des effets d’une avarie de combat sur la stabilité commença à se répandre. La situation où, vers le même temps, la simple rupture d’un couvercle d’écubier voisin de la flottaison mit un instant le Formidable, pendant une tempête, fut plus directement démonstrative. Personne ne bougeait toutefois, on attendait toujours un signal venant du dehors.

En 1893, survint l’affreuse catastrophe du Victoria éperonné par le Camperdown. L’avant du navire, ouvert à la mer, cessa de coopérer à la stabilité. Rien n’était désespéré si le danger eût été connu à bord, et la manœuvre dirigée en conséquence. Marchant en avant, le Victoria chavira brusquement, au premier mouvement du gouvernail.

La leçon fut comprise en Angleterre, et, comme on pense, rapidement mise à profit par un constructeur de l’envergure de sir William White. Dès l’année 1893, les cuirassés type Majestic apparaissaient sur les chantiers, avec leur pont blindé unique placé au can inférieur de la cuirasse, et leur ceinture de plaques, de grande hauteur, couvrant un entrepôt cloisonné. Depuis lors, les constructions nouvelles se sont rapidement succédé, par séries renouvelées presque chaque année, en étendant le blindage aux extrémités, corrigeant successivement toutes les anciennes défectuosités des navires anglais, réalisant chaque fois un progrès nouveau, avec, chaque fois, le déplacement, accepté sans marchander, qu’exigent les qualités de puissance et de vitesse demandées. Au début de 1905, l’Angleterre ne comptait